vendredi 10 juin 2016

Yves Boisset : d'Allons z'enfants à Canicule (3/3)

Artistes : Troisième et dernière partie de notre rétrospective consacrée à Yves Boisset, à partir de son livre La Vie est un choix (Plon). Focus sur les années 80 et la suite, entre grand et petit écrans.



Allons z’enfants (1980) : "C’est de loin celui de mes films qui a le moins marché. Mais (…) c’est celui que je préfère, et probablement celui m’est le plus personnel". Basée sur les mémoires d’enfants de troupe de l’auteur du roman, Yves Gibeau, cette fresque sombre révèle au grand public Lucas Belvaux, dans son 1er rôle au cinéma. Brûlot anti-clérical et anti-militaire, Allons z’enfants est un grave échec commercial, mais une œuvre à redécouvrir pour sa sensibilité et sa peinture des garnisons dans la France des années 30. 


Espion lève-toi (1981) marque sa réconciliation avec Michel Audiard, qu’il avait fustigé quand il était critique. D’après un roman de George Markstein, un ex du MI16, devenu scénariste et auteur sur le tard, notamment de la série Le Prisonnier, ce film d’espionnage zurichois permet à Boisset d’orchestrer un trio d’acteurs aux jeux dissemblables : Lino Ventura, Michel Piccoli et Bruno Cremer. Jusqu’au dernier jour de tournage, réalisateurs, acteurs et scénaristes ignoraient qui finalement se révèlerait être le traître...


Au-delà de ses qualités de pamphlet, Le Prix du danger (1982) se veut une dénonciation avant l’heure du système TF1, sur une intrigue proche de celle des Chasses du Comte Zaroff. Initialement proposé à Patrick Dewaere, le rôle principal est finalement tenu par Gérard Lanvin. Reste un solide film d’action, avec d’excellents seconds rôles – Michel Piccoli, Catherine Lachens, Marie-France Pisier - qui flirte avec la SF, suivi d’un interminable procès qu’Yves Boisset livre à la Fox pour plagiat, Running Man, avec Arnold Schwarzenegger, remake évident, et dans lequel il n’est jamais fait mention du film de Boisset. 


Barracuda, son grand projet sur le trafic d’armes, écrit avec Jean-Patrick Manchette, pour Jean-Paul Belmondo et Charlotte Rampling, est interrompu suite à un contrôle fiscal que lui impose Michel Charasse – ce qui vaut quelques pages ironiques de Boisset à l’égard du pouvoir.


Canicule (1983) marque les retrouvailles du réalisateur avec Michel Audiard, le polar et Jean Carmet. Tentative ambitieuse, selon ses mots, de renouveler le polar français, Canicule est dominé par la silhouette massive de Lee Marvin dans le rôle du gangster américain, perdu en pleine Beauce, dans une famille de paysans composée de Carmet, Victor Lanoux et Miou Miou. Déception critique et commerciale, violent et désespéré, le film marque le début d’une période de repli d’Yves Boisset à l’égard du cinéma au profit de la télévision.


Curiosité : son récit du reportage qu’Yves Boisset fit sur François Mitterrand, pendant la campagne présidentielle de 1974, diffusé sur TF1, et produit par Jean-Pierre Rassam. Il en garde des images dans sa cave, notamment celles d’un petit-déjeuner en famille avec les Mitterrand, petit-déjeuner exceptionnellement reconstitué pour l’occasion...

Si la suite de sa carrière, essentiellement télévisuelle, est marquée par des oeuvres fortes – Le Pantalon, L’Affaire Seznec, L’Affaire Dreyfus, Jean Moulin – elle suscite moins l’attention des cinéphiles en raison d’un désinvestissement progressif du cinéaste à l’égard du 7e art. Ni Radio Corbeau, ni La Tribu n’ont véritablement marqué les mémoires. Riche en détails et en anecdotes, la dernière partie de son autobiographie montre à quel point le désir de raconter est resté intact chez le cinéaste. Espérons, à l’instar de sa conclusion, qu’il n’ait pas encore tout dit ! Petits regrets : dommage que les tournages de Folle à tuer, d’après Manchette, de Bleu comme l’Enfer, d’après Philippe Djian, soient complètement éludés – on aurait aimé en savoir davantage sur le naufrage de cette adaptation. 

Découvrez les précédents articles sur notre rétrospective Yves Boisset :

Yves Boisset : 30 ans de cinéma français (1/3)


Yves Boisset : de L'Attentat à La Femme flic, la décennie prodigieuse (2/3)

Travis Bickle

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