dimanche 5 avril 2020

Attila Marcel : un Ocni à redécouvrir

Attila Marcel CINEBLOGYWOOD


A (re)voir : Croyez-vous aux Ocni ? Si oui, lisez ce qui suit. Si non, surtout lisez ce qui suit. S’il est un film que l’on peut qualifier d’objet cinématographique non identifié, c’est bien Attila Marcel (2013), réalisé par Sylvain Chomet. Mes moustaches en frisent encore à son évocation, sept après sa sortie (trop modestement accueillie d’ailleurs). Les âmes simples le considéreront comme un feel good movie de plus, dans lequel un benêt d’une trentaine d’année qui subit sa vie, découvre qui il est et choisit de vivre comme il l’entend grâce au coaching serré d’une voisine folle-dingo. Bah voyons ! Trop facile et il convient de reprendre depuis le début.



Orphelin de père et mère, Paul (Guillaume Gouix), trente ans, est muet. Il vit entre son piano qu’il pratique en virtuose, la pâtisserie du coin car il aime s’empiffrer d’éclairs ou autres religieuses, et ses deux vieilles tantes qui l’élèvent depuis l’âge de deux ans, professeures de danses de salon de leur état, et que Paul accompagne au crincrin électronique durant leurs leçons. Il vit comme ça, ballotté de droite et de gauche, aux bons soin de ses tantes qui dans un énième élan d’amour pour le bébé qu’elle n’ont jamais eu, pensent même à le marier en le poussant à jouer avec une violoncelliste fille d’un de leurs amis. Hé, il y en a là-dedans !

Après l'accord de l'imposant piano à queue du salon, l’accordeur aveugle M. Coelho (Luis Rego) quitte l’appartement en laissant tomber un 45 tours. Education parfaite oblige, Paul se lance à sa poursuite pour le lui restituer mais, contre toute attente, M. Coelho ne sort pas de l’immeuble. Il grimpe un étage de plus pour rendre visite à Mme Proust (la trop rare Anne Le Ny) la voisine du 4e. Il y a des flingués sur terre mais là, Mme Proust remporte la palme. Elle cultive son potager chez elle après avoir fait péter les lames de parquet de son appartement haussmannien, joue du ukulélé et n’a pas son pareil pour concocter des tisanes aux vertus particulières. C’est bien pour ça que sa salle d'attente ne désemplit pas. Dans une sorte de rite initiatique qui le fera remonter à l’origine de son mutisme, Paul apprendra et choisira enfin, je l’ai dit, par et pour lui même. Mais pas en reversant la table, il est trop bien élevé. Il ira au bout de l’histoire que ses tantes avaient imaginée, et dans la continuité ouvrira un nouveau livre. 

C’est beau, c’est drôle, ça fait du bien et je précise que je n’ai à ce stade rien révélé de l’histoire.


Tout est fait maison Chomet, scénario, réalisation et même la musique sinon deux emprunts au grand répertoire de l’opéra. Avouez qu’en période de confinement, où l’on fait tout maison, c’est une référence solide ! Alors oui, il y a de la palette graphique, des couleurs de Paris cul-cul que l’on ne rencontre guère que dans Amélie Poulain, mais Attila Marcel propose une belle réflexion sur le non-dit et ses ravages, sur la culpabilité, sur la filiation, ou encore sur la mort, qu’elle arrive dans des conditions stupides ou qu’elle soit choisie en rançon d’une cause. Chaque personnage nous emmène dans son histoire et nous propose une clé de lecture.

Si avec tout ça, vous ne vous jetez pas sur ce film, voici une ultime raison. C’est le dernier film de Bernadette Lafont (tante Annie) qui, à califourchon sur son Ocni, a rejoint les étoiles.

Moustachement vôtre,

Jean-Jacques Castella

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