mardi 18 janvier 2022

Délicieux : un film émouvant et savoureux

Délicieux DVD CINEBLOGYWOOD


En DVD : Le restaurant est une invention révolutionnaire. Plutôt que retracer l'histoire du premier vrai établissement de la sorte (il s'agirait du Procope, créé en 1686 à Paris, mais il y a débat), Eric Besnard, avec son coscénariste Nicolas Boukhrief, a choisi d'emprunter la voie de l'imaginaire, privilégiant l'exaltation des sens associée à une réflexion sur l'évolution des moeurs et de la société. Son film Délicieux tient toutes les promesses de son titre.


Le film nous emmène dans le Cantal, en 1789. Pierre Manceron est cuisinier au château du duc de Chamfort. Il y prépare des plats raffinés qui permettent à l'aristocrate de bien se faire voir et de se tailler une belle réputation jusqu'à la cour. A l'occasion d'un repas, le chef décide d'innover en concoctant un délicieux, un petit friand à la pomme de terre et à la truffe. L'initiative déplaît à l'un des invités ; le duc exige des excuses publiques ; Manceron refuse. Il est congédié. Le cuisinier quitte le château avec son fils et part retaper le relais de poste familial qui était resté à l'abandon. C'est alors que Louise se présente à lui : elle veut devenir son apprentie. Mais Manceron ne veut plus retourner derrière les fourneaux.

Délicieux est placé sous le signe du plaisir partagé. Certes, la cuisine est un art mais c'est avant tout un art de vivre, une communion laïque qui dépasse et efface le statut ou le rang qui est assigné à chacun. Manceron est un homme libre qui veut mettre son savoir-faire au service du plus grand nombre. La simplicité de son approche - proposer de bons plats à partir des produits de son terroir - n'empêche pas la créativité mais s'il conçoit des mets élaborés, c'est pour créer des saveurs qui régaleront tous les palais - et pas seulement ceux de la noblesse.

La démarche du cuisinier est évidemment dans le droit fil de la cuisine actuelle, notamment de la bistronomie et de la slow food. Une cuisine militante, innovante, responsable. Forcément, cela nous parle. Eric Besnard ne signe pas pour autant un manifeste, pas plus qu'il ne porte un regard nostalgique sur une certaine idée de la France. Son film exalte des valeurs républicaines sans roulements de tambour ni discours grandiloquent : le cinéaste rappelle qu'il est possible de se retrouver par delà les différences, dans un lieu convivial et ouvert. Le restaurant, havre de paix, antre du plaisir. 

Une belle brochette d'acteurs

Décors et costumes nous immergent dans la campagne française du XVIIIe siècle. La beauté des décors naturels est magnifiée par la photo chaude de Jean-Marie Dreujou. Tous nos sens sont en éveil. Et on prend évidemment plaisir à voir Manceron et Louise cuisiner. Elles sont belles, les mains de Grégory Gadebois ! A la fois fortes, fermes et délicates. Qu'elles pétrissent la pâte ou qu'elles émincent des oignons, nous sommes subjugués.

Les personnages nous touchent par leur humanité. Gadebois apporte à Manceron bonhommie et sensibilité. Il nous émeut par ses mots simples (au passage, les dialogues du film sont formidables), son air farouche et ses regards intenses. Même intensité chez Isabelle Carré qui interprète une femme blessée mais déterminée. Benjamin Lavernhe évite de réduire le duc de Chamfort à un précieux ridicule et parvient même à le rendre poignant, y compris à des moments où il est particulièrement odieux. Une finesse de jeu qu'on retrouve également chez Guillaume de Tonquédec dans le rôle de Hyacinthe, l'intendant du duc : le comédien trouve le ton juste, pète-sec mais jamais méchant jusqu'à une révélation finale qui le voit, lors d'une scène touchante, se libérer de ses oripeaux et de sa condition. Enfin, Lorenzo Lefèbvre apporte une belle énergie à Benjamin, le fils de Manceron. Le jeune comédien impressionne par son assurance.

Edité par M6 Vidéo, le DVD propose un making of dans lequel Eric Besnard, le producteur Eric Rossignon, les comédiens, le décorateur et la costumière reviennent sur le plaisir qu'ils ont eu à tourner cette fable chaleureuse et touchante. Plaisir partagé !

Anderton

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