En Blu-ray et DVD : Après Arthur Harari avec Onoda, un autre réalisateur français s'intéresse à un "aventurier" japonais qui se confronte à la nature... et à lui-même. Patrick Imbert s'est attaqué à l'adaptation d'un des mangas les plus célèbres de Jiro Taniguchi : Le Sommet des dieux. Sa sortie en vidéo nous permet de nous (re)plonger dans ce sublime film d'animation, dont la réalisation s'est avérée parfois aussi compliquée que l'escalade de l'Annapurna par la face nord.
Photographe pour un magazine consacré à la montagne, Fukamachi Makoto termine un reportage à Katmandou quand il se fait aborder par un inconnu qui lui propose d'acheter un vieil appareil photo retrouvé sur les flancs de l'Himalaya. Et pas n'importe lequel : le Népalais prétend qu'il s'agit de l'appareil ayant appartenu à George Mallory, l'alpiniste anglais disparu en juin 1924 sur la crête nord de l'Everest. Makoto refuse, le Népalais s'en va lorsqu'il est pris à parti par un Japonais qui lui prend l'appareil photo avant de disparaître. Le photographe a eu le temps de reconnaître Habu Joji, un brillant mais taciturne alpiniste qui a disparu après une escalade qui a viré au drame.
Il fallait beaucoup de courage et un peu d'inconscience pour s'attaquer à ce sommet de la BD nippone, lui-même adapté d'un roman de Baku Yumemakura. Ce sont d'abord cinq volumes, édités en France par Kana, que Patrick Imbert et ses coscénaristes ont dû condenser en un film de 90 minutes. Surtout, il fallait pouvoir donner vie au style de Taniguchi : son trait fin, élégant et précis, que l'on dit influencé par la ligne claire de la BD franco-belge, donne lieu à un dessin réaliste, qui fourmille de détails, en même temps qu'il dégage une délicate poésie. Un noir et blanc subtil qui devait passer l'épreuve de la couleur sur grand écran - même si les couvertures pouvaient donner une indication du traitement appliqué par le mangaka.
Patrick Imbert a totalement réussi son entreprise. Avec son équipe créative, il a choisi de réinterpréter le style de Taniguchi en en respectant l'esprit : la précision du trait a été épurée pour rendre le dessin plus lisible à l'écran. Surtout, son film retranscrit parfaitement le tempo de l'oeuvre, entre séquences zen et souffle épique. Les personnages évoluent dans de somptueux décors peints qui rendent compte de la beauté des éléments et de la nature, sans jamais écraser ceux qui les défient à coups de pioche. Car la grande réussite du manga, comme du film, est de se concentrer sur l'aventure humaine. Fukamachi et Habu sont des êtres dont on ressent les émotions et les tourments. Ils prennent vie sous nos yeux grâce à l'animation mais aussi au formidable travail des comédiens qui leur prêtent leur voix, Damien Boisseau (Fukamachi) et Eric Herson-Macarel (Habu).
Le score d'Amine Bouhafa participe également à ce voyage immersif en nous faisant partager l'expérience sensorielle des alpinistes grâce à une composition inventive et pleine de texture, qui associe instruments occidents et népalais. Un bonus du Blu-ray revient sur le travail du compositeur et l'enregistrement de sa partition. D'ailleurs, comme à son habitude, Wild Side a soigné l'édition vidéo. Le film est accompagné de bonus qui abordent l'aventure du film, depuis les premiers échanges avec Jiro Taniguchi (malheureusement décédé avant d'avoir pu voir le résultat final) jusqu'à sa présentation au Festival de Cannes 2021, en passant par sa production compliquée par les confinements liés à l'épidémie de Covid-19. Patrick Imbert n'a rien lâché, soutenu par des producteurs engagés (Julianne Films, Folivari, Mélusine Productions) et une équipe qui a su s'adapter au télétravail. Et qu'ils ont eu raison : Le Sommet des dieux est un film qui nous emporte dans une aventure aussi exaltante qu'émouvante.
Anderton
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire