lundi 29 novembre 2010

A Bout Portant : Fred Cavayé détaille sa méthode


Artistes : "Faire un thriller en France, c'est très difficile. Allez voir A Bout Portant sinon on ne fera plus jamais de thriller en France et il n'y aura que des films français qui se passent dans des cuisines". Sur scène, face à une salle de blogueurs parisiens réunis je 25 novembre par Gaumont, Fred Cavayé n'a rien perdu de sa décontraction, ni de son sens de l'humour. Pas angoissé du tout, à quelques jours de la sortie de son film en salles. Et il n'a pas à stresser : A Bout Portant est une tuerie. L'un des meilleurs films français de l'année - Marcel Martial et moi vous en reparlerons très prochainement. Du coup, après la projo, je me suis précipité pour aller interviewer le talentueux réalisateur, qui, pour ne rien gâcher, s'est révélé très sympa.

Cineblogywood.com : Dans A Bout Portant, vous avez évité le piège du tout "caméra à l'épaule", que l'on retrouve souvent dans les thrillers. Qu'est-ce qui a guidé votre mise en scène ?
Fred Cavayé : Chaque réalisateur a son propre style mais je pense qu'il faut adapter la mise en scène à l'histoire. Moi, je ne suis pas fan d'une mise en scène trop syncopée, j'aime quand on voit ce qui se passe à l'écran. C'était d'autant plus important que le film raconte l'histoire d'un Monsieur tout le monde [Gilles Lellouche], un type ordinaire plongé malgré lui dans une histoire extraordinaire, il fallait donc que les spectateurs puissent s'identifier à lui. Et je voulais également montrer l'âpreté de ce qu'il lui arrive. Il y a des scènes très violentes mais encore une fois, c'est vraiment adapté à l'histoire.


Quand vous vous êtes lancé dans ce projet, avez-vous revu certains thrillers qui vous avaient marqué ?
Non, ce serait une erreur d'aller chercher des idées dans d'autres films avant de se lancer dans un tournage. J'ai évidemment vu beaucoup de films par le passé mais depuis que je suis réalisateur, j'en regarde moins. Mes influences sont nombreuses et on retrouve certainement des choses qui ont déjà été vues dans d'autres films mais honnêtement, je ne l'ai pas fait forcément de manière consciente.

La force d'A Bout Portant, c'est son rythme, très prenant. Comment êtes-vous parvenu à imprimer ce rythme, cette énergie pendant le tournage ?
Le rythme est donné dès l'écriture. J'ai écrit un scénario pour un film sans gras. Je m'en suis tenu à l'histoire et à l'enchaînement des scènes, en donnant juste ce qu'il faut de "corps" aux personnages, soit 5 pages sur les 90 du script. Il y a des cases que je ne veux pas remplir. Comme lorsque vous lisez un livre et que vous imaginez le visage du héros. Le rythme part donc de l'écriture. Ensuite, il faut y adapter la mise en scène mais aussi le montage. Je travaille avec un monteur [Benjamin Weill] qui monte comme j'écris : en allant à l'essentiel. Il doit être le seul monteur à faire un ours [le premier montage du film, NDLR] plus court que le film terminé ! Soit 1h15 au lieu des 1h25 finales, générique compris. Quant au tournage, de toute façon, il faut aller vite car on tourne dans des endroits difficiles d'accès ou très fréquentés [gares, métro..., NDLR] où les autorisations de tourner sont limitées dans le temps.

Vous auriez pu vous focaliser sur ce qui arrive au personnage principal, interprété par Gilles Lellouche, mais vous avez choisi de filmer d'autres points de vue. Pourquoi ?
Le fait de passer de temps en temps sur l'histoire B permet de resserrer l'étau sur le personnage principal. Cela conduit à une sorte de goulet d'étranglement. Il y a beaucoup de technique derrière tout ça afin que cela ne se voit pas et que tout paraisse super simple.

Le tonalité du film est très réaliste puis survient une superbe scène, très cinématographique, sur l'air de La Wally de Catalini, avec des plans très lents, où Lellouche découvre, regard caméra, un monde qui lui est inconnu, celui du crime. Comment cette idée de mise en scène vous est-elle venue ?
D'abord, ça me touche que vous ayez apprécié cette scène que j'aime beaucoup. [Attention spoiler] Au départ, Marconi, le truand avec le ventre énorme, regardait un film porno à la télé. Cela cadrait bien avec le personnage mais bon, on a déjà vu ça une quinzaine de fois à l'écran. Puis mon monteur m'a appelé en me disant qu'il avait essayé de monter la scène sur un air d'opéra. Et c'est effectivement le tournant le plus cinématographique du film.

[Attention spoiler] Le film aurait pu s'achever avec le héros et sa compagne à l'hôpital. Pourquoi avoir décidé de le finir avec une scène de repas familial, sept ans après les faits ?
Je voulais montrer le retour des personnages à la vie normale. En général, lors des projections du film, j'aime bien être présent pour les cinq premières minutes et les cinq dernières. Je ressens les frissons que provoque cette scène finale chez les spectateurs. C'est un pur moment de cinéma. J'adore ça !

Un grand merci à toute l'équipe de @GaumontFilms and partners : @fclerc90, Julien, @Paingout et @Clyne

Anderton

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