samedi 23 juillet 2011

La Permission de Minuit : accordée !


En DVD : Ouch…. A priori, Lindon, Devos, film français, qu’est-ce que ça vient faire sur Cineblogywood ? Bah oui, juste avant les vacances estivales, je fais mon coming out : oui, j’adore Vincent Lindon ; oui, j’adore Emmanuelle Devos ; oui, j’adore les films réalisés par des réalisatrices comme Delphine Gleize ; oui, j’adore les films français, surtout quand ils sont sensibles, décalés et poétiques. Alors, oubliez un peu vos préjugés, et accordez-vous une Permission de Minuit.


Lindon filmé comme Montand par Sautet

Vincent Lindon ? Quel que soit son rôle, il est tout de suite crédible. Maçon dans Mademoiselle Chambon, moniteur de piscine dans Welcome ou bien Premier ministre dans Pater, on y croit tout de suite. Là, en tant que professeur de médecine confortablement installé, déstabilisé par la perspective de devoir abandonner un jeune patient enfant-lune, c’est-à-dire atteint de déficience génétique lui interdisant d’avoir le moindre contact avec de la lumière diurne, on y croit immédiatement. Surtout quand il est filmé dans ses moments de doute, ou d’accalmie, tel un Montand au volant de sa voiture dans un film de Claude Sautet. Pas de doute : on tient là le plus grand comédien français contemporain, avec François Cluzet et Yvan Attal.

Emmanuelle Devos ? Bah oui, j’avoue un gros faible, surtout depuis sa déchirante prestation dans le Desplechins, Comment je me suis disputé – ma vie sexuelle. Depuis, ses compositions se sont affinées et renforcées, dans un mélange d’autorité et de fragilité, d’animalité et de légèreté qui ne tient qu’à elle. Là, dans un second rôle ingrat, elle parvient à exister en quelques scènes. Du grand art.

A la lisière du fantastique…

Delphine Gleize ? Bah oui, avec son 3e film, elle atteint des sommets de poésie et de mise en scène. Gonflé, faire un film au sujet aussi casse-gueule sans pathos, tout en retenue. Gonflé, de parier sur un gamin qu’on dirait sorti des forêts truffaldiennes de L’Enfant sauvage pour interpréter un personnage têtu, pas toujours aimable, sur le fil du rasoir de la vie et de la mort ! Gonflé, de miser avec pareil sujet sur son sens de l’espace et de la lumière pour éviter tous les poncifs lacrymaux du genre.

Des scènes de montagne enneigées quasi-lunaires côtoient des scènes de surf nocturnes à la lisière du fantastique. Tandis qu’elle mixe et sample les lieux de l’action de manière éclatée, de façon à situer son film dans un pays imaginaire - on reconnaît fortuitement Biarritz, Genève, Bruxelles – elle filme les intérieurs d’hôpital comme un cocon froid mais régénérateur. A l’image de cette salle d’attente où se tient le pot de départ de Vincent Lindon, transformée le temps d’un discours impromptu – une lecture d’un poème de René Char – en une véritable alcôve, où se cristallise l’étrange relation nouée entre un professeur à la cinquantaine assumée et son tout jeune patient juste à l’orée de son existence, mélange de filiation, de transmission et d’amitié transgénérationnelle.

Malencontreuse double conclusion hésitante

On pourra juste regretter quelques faux plats dans le rythme du film, ainsi qu’une double conclusion hésitante, et pour tout dire, regrettable. Comme si Delphine Gleize, dans un ultime sursaut, avait besoin de mettre des points sur les i après avoir franchi tous les obstacles du pathos et des scènes attendues avec succès. Comme si in fine, elle hésitait à faire confiance jusqu’au bout à son spectateur. Dommage…mais pas grave !

Bref, bien qu’ayant totalement et inexplicablement raté son public lors de sa sortie, il faut redonner une chance à cette Permission de minuit, que vient de sortir Studio 37 en DVD, bourré de bonus, souvent un peu trop promotionnels…

Travis Bickle

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