Artistes : Kubrick’s still alive ! Et bien vivant. Comme le confirme la sortie prochaine de Room 237, documentaire consacré à Shining. Et toute son œuvre est ainsi analysée, disséquée, théorisée, discutée ! Toute, sauf peut-être Eyes wide shut. Jusqu’à ce que Laurent Vachaud, ancien critique de cinéma à Positif, auteur d’articles consacrés à Cimino, Coppola, Stone, Polanski ou…Kubrick, co-auteur de l’ouvrage de référence consacré à Brian de Palma, livre une analyse absolument stupéfiante sur le dernier film de l’auteur des Sentiers de la Gloire, dans le numéro de janvier de Positif. Entretien & décryptage.
Cineblogywood : qu’est-ce qui a retenu votre attention dans Eyes Wide Shut ?
Laurent Vachaud : J’ai toujours eu un coup de foudre immédiat pour tous les films de Stanley Kubrick. Ses films m'ont obsédé, et je les ai toujours revus avec un plaisir immense. Et à sa sortie, Eyes Wide Shut– était-ce lié aux circonstances, à la mort de Kubrick, à un effet déceptif entretenu par la presse ? – m'avait laissé perplexe. Le film était un peu long. Mais il avait exercé sur moi une réelle fascination. Je me suis procuré son DVD immédiatement, dès sa sortie, pour me le repasser très souvent.
Il y avait un mystère autour de ce film. On disait de lui que pour un Kubrick, il était apaisé. Or Kubrick, c'est toujours violent. Là, on aurait dit qu'il s’était mis à croire au couple, que l'amour conjugal pouvait être sauvé. Alors que la vie de couple chez Kubrick est toujours destructrice – cf Lolita, Barry Lyndon ou Shining.
Pourtant, il tenait depuis longtemps à adapter la nouvelle de Schnitzler dont le film est tiré….
Oui, il en parlait à Michel Ciment dès Orange Mécanique. J'ai lu la nouvelle, Traumnovelle. Et je ne parvenais pas bien à voir ce qui pouvait être kubrickien. Peut-être voulait-il se frotter à quelque chose qu'il n'avait jamais abordé de front : l'humain ? Car quoi de plus humain qu'un rapport conjugal ! Surtout pour un cinéaste qu'on avait toujours accusé d'être désincarné, d'aborder les choses avec un regard d'entomologiste. Pas d'amour chez Kubrick, sauf peut-être Lolita, mais c'est un amour pervers entre un adulte et un enfant. Donc, ce récit ne me paraissait pas très kubrickien à la base. Comme on n'avait pas pu l'interviewer, restait un truc difficilement appréhendable. Le film possédait une atmosphère envoûtante, hypnotique, mais comme son film ne me parlait pas, je me demandais s'il était bien abouti.
La suite de l'interview ci-dessous.