Quel beau métier que celui d'acteur. C'était d'ailleurs le titre de travail (A notre beau métier) du film de Quentin Dupieux, Le Deuxième acte. Ceux qui l'ont raté au Festival de Cannes 2024 ou lors de son exploitation en salle peuvent se réjouir, il est désormais disponible sur support physique, avec en prime un court et sympathique bonus.
Comment résumer un film de Quentin Dupieux ? Et d'abord, faut-il le résumer ? Oui, ça en fait des questions mais perso, j'aime être cueilli par l'univers si particulier du cinéaste. Il nous embarque toujours sur un chemin familier avant de bifurquer subtilement vers un sentier inconnu, étonnant. Dans Le Deuxième acte, le chemin est un long travelling, peut-être bien le plus long de l'histoire du cinéma. Mais Dupieux n'a pas cherché à entrer dans le livre des records : ce mouvement de caméra suit deux personnages puis deux autres qui discutent, argumentent, s'engueulent. Et leur conversation n'est pas interrompue par le montage.
Outre le plaisir que Dupieux prend certainement à laisser jouer ses acteurs, j'ai l'impression que par ce choix de mise en scène, il veut instaurer une forme de naturalisme. Le spectateur en vient presque à oublier qu'il regarde un film : il assiste à une conversation qui semble se dérouler en direct. En tout cas, nous voici happés jusqu'à ce qu'en plein milieu du dialogue, un personnage remette en cause tout ce qu'on vient d'entendre.
Droit dans le quatrième mur
Une fois de plus, Quentin Dupieux brouille les frontières entre fiction et réalité. Il joue avec le (se joue du) 7e art, nous fait sortir de l'histoire, pour nous y replonger illico. On accepte, à la fois surpris et un peu perturbés mais contents que ce travelling déraille légèrement pour aller droit dans le quatrième mur, celui qui sépare les personnages/acteurs des spectateurs. Dans Yannick, un spectateur interrompt une pièce de théâtre pour faire part de son mécontentement aux comédiens ; ici, ce sont les comédiens qui font des pauses dans leur jeu pour prendre le public à partie. Après tout, la bande-annonce avait annoncé la couleur.
C'est cette folie qu'on aime chez Dupieux. Sa capacité à insérer la pièce qui va gripper la mécanique bien huilée d'une histoire. Parce que tout tient la route, même la sortie de route. Dupieux n'est pas seulement un excellent metteur en scène, il est aussi un grand directeur d'acteurs. Il a encore une fois réuni des personnalités et des styles de jeu qu'on n'aurait pas forcément imaginer s'associer harmonieusement : Louis Garrel, Vincent Lindon, Léa Seydoux et Raphaël Quenard. Mais ils parviennent à faire entendre leur petit musique tout en s'intégrant à la partition collective. Surtout, et on n'en doutait pas vu le talent de chacun, ils parviennent en permanence à jouer sur un double, voire triple jeu, littéralement. Ils entrent dans un rôle pour en sortir puis y revenir, tout en jouant avec leur propre personnalité, ou l'idée que le public s'en fait. Mais ce casting est un quintet : Manuel Guillot est formidable en vrai-faux second rôle qui interprète un figurant appelé à entrer dans la lumière.
Les dialogues sont très drôles, les situations nous surprennent, les surgissements d'émotion nous cueillent. Dans son édition vidéo, Diaphana Distribution propose en prime un making-of décalé : l'interview des comédiens par une petite fille (celle de Quentin Dupieux ? du producteur Hugo Sélignac ?) tandis que les images nous montrent le tournage de la séquence du travelling. C'est à la fois édifiant et mignon.
Anderton
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