vendredi 31 janvier 2025

Hedy Lamarr raconte sa vie rocambolesque et sulfureuse

Hedy Lamarr mémoires livre CINEBLOGYWOOD

La maison Séguier poursuit sa noble et indispensable entreprise de réédition des mémoires de comédiens. Après Erroll Flynn, George Sanders, David Niven et Richard Burton, place à Hedy Lamarr. L'Autrichienne qui scandalisa avec son premier film très osé devint une star d'Hollywood, aussi célèbre pour sa beauté que pour ses frasques. Dans Ecstasy and Me, elle se raconte sans garder sa langue dans sa poche.


Alors adolescent, j'ai découvert Hedy Lamarr dans un film de Mel Brooks. Elle n'y est pas à l'affiche mais elle y est constamment citée. Dans le génial Le Shérif est en prison (Blazing Saddles, 1974), un procureur sans foi ni loi, interprété par Harvey Korman, a pour nom Hedley Lamarr. Evidemment, il est souvent appelé Hedy. Et lui de répondre à chaque fois en grinçant des dents : "C'est Hedley".

Ma curiosité aiguisée, j'ai alors découvert que ladite Hedy avait été une grande star hollywoodienne. J'ai dû la voir dans Samson et Dalila (Cecil B. DeMille, 1949) et peut-être dans un autre film. J'avais aussi lu qu'elle avait tourné dans Extase (Ecstasy, Gustav Machaty, 1933) où elle fit scandale pour y être apparue totalement nue et y avoir reproduit un orgasme lors d'un gros plan sur son visage. Elle n'avait alors pas vingt ans. Sa carrière était lancée. Direction l'Amérique.

En 1966, la comédienne, ruinée, empêtrée dans des scandales judiciaires et absente des écrans depuis près de dix ans, se décide à raconter sa vie. Sans fard, avec une franchise qui confine souvent à l'ingénuité, apportant au public les souvenirs croustillants qu'il espère. Car toute sa vie Hedy a cherché l'amour tout s'adonnant aux plaisirs du sexe. Résultats : six mariages conclus par six divorces, plus d'une centaine d'amants, et un nombre incalculables d'admirateurs plus ou moins (plus que moins) entreprenants. Dans son livre, elle décrit en détail les unions qui périclitent, parfois avec des extraits de journaux à l'appui mais sans acrimonie, rendant finalement hommage à ses ex tout en se dédouanant de leur avoir pourri la vie. Elle évoque également une relation toxique, des abus. Le mot viol est écrit mais elle reste discrète.

Holly olé

En revanche, elle n'hésite pas à raconter de long en large quelques parties de jambes en l'air. Avec des hommes et des femmes. Dans la nature, à l'arrière d'une voiture, dans une loge et même dans un peep show ! C'est tantôt excitant, tantôt tellement improbable qu'on hésite entre l'étonnement et le rire. Tout cela est bien troussé, et je parle aussi du style.

Surtout, Miss Lamarr nous fait pénétrer au coeur de l'Hollywood de la grande époque, celle où de puissants producteurs faisaient signer aux talents des contrats qui les liaient à un studio, ici la MGM. Les acteurs étaient des marchandises que des hommes puissants s'échangeaient, vendaient ou achetaient sans aucun scrupule. Hedy entre dans le détail de ses relations avec Louis B. Mayer, Cecil B. DeMille et quelques agents. Tous veulent la mettre sur pellicule et dans leur lit. La jeune femme résiste, négocie avec aplomb, parvient souvent à ses fins sans avoir à donner de sa personne contre son gré. Dans cet océan infesté de requins, l'Autrichienne mène sa barque, parvenant même à devenir productrice. Elle gère ses grossesses (elle est mère de trois enfants, dont un est adopté) en fonction de sa filmographie, ou l'inverse.

Le livre met en lumière les contradictions de son auteure, à la fois femme indépendante et habitée par une conception finalement très traditionnelle du mariage et de la psychologie féminine, comme elle l'expose à son psy. Hedy relate son engagement auprès des soldats en permission à Los Angeles pendant la deuxième guerre mondiale... mais jamais elle ne met en avant l'invention décisive qu'elle a développée avec le compositeur George Antheil : un principe de transmissions qui permet d'échapper aux radars ennemis et qui est encore utilisé de nos jours pour le wifi ! 

Heureusement l'éditeur nous permet d'en savoir plus dans une postface tandis que dans sa préface, Clémentine Goldszal invite à se rappeler que ces mémoires ont été en partie écrits par des ghost writers, qui ont certainement insisté sur les expériences les plus sulfureuses de la star afin d'aguicher le public. 

Amour, santé, argent : "J'ai joui de ces trois choses en abondance et, à un moment ou un autre, les ai gaspillées toutes trois", conclut Hedy Lamarr, avant d'ajouter : "Je n'ai pas été sage". On referme son livre avec l'envie de la revoir à l'écran, pour mieux apprécier son jeu, trop souvent éclipsé par son ensorcelante beauté.

Anderton


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