Dossier Festival de Cannes 2025

samedi 26 avril 2025

Bienvenue dans les villas de la terreur

Spectregraph The Nice house by the sea BD comics CINEBLOGYWOOD

Pourquoi les esprits, fantômes et autres monstres seraient-ils obligés de se réfugier dans d'inquiétantes demeures ? James Tynion IV choisit pour sa part de camper ses récits de terreur au sein de sublimes villas d'architecte. La preuve dans deux beaux albums de bande dessinée. Entrez si vous l'osez. 


James Tynion IV et Christian Ward : Spectregraph (Delcourt)

Sous le soleil éclatant de Californie, Janie se rend au fin fond de Malibu pour faire visiter une immense demeure. L'agente immobilière se retrouve face à un étrange groupe, tout de noir vêtu, qui se tient éloigné sur la pelouse. Une jeune femme du nom de Vesper Quinn est mandatée pénétrer dans la bâtisse. Bizarre mais Janie n'a pas le temps de se poser des questions : elle a laissé son bébé chez elle, seul sur une chaise haute, et elle se rend compte que c'était une effroyable idée. Elle veut accélérer la cadence. Particularité de la demeure : c'est une immense machine dont certaines pièces sont fermées par un mécanisme compliqué. Une fois à l'intérieur, Janie et Vesper se retrouvent confrontées à des phénomènes paranormaux.

Comme souvent, James Tynion IV alterne les périodes au sein de son récit. Le lecteur découvre ainsi progressivement quel est le mystère de la bâtisse. Elle appartenait à un richissime homme d'affaires décidé à connaître ce qui se passe après la mort. La quête malsaine du millionnaire s'entremêle avec celle des deux jeunes femmes, qui n'ont qu'un but : sortir vivantes de cet enfer de marbre et de métal. A cette double tension s'en ajoute une troisième : le sort du bébé, abandonné, hurlant de peur. L'angoisse monte. On avalerait ces 168 pages (découvrez les premières planches) à toute vitesse s'il n'y avait le talent de Christian Ward. Son art de la mise en page et de l'utilisation des couleurs nous obligent à prendre le temps d'admirer chaque planche. Du début à la fin, le duo d'auteurs parvient ainsi à créer une tension épaisse de laquelle jaillissent régulièrement des éclats de terreur.   

James Tynion IV et Alvaro Martinez Bueno : The Nice house by the sea (Urban Comics)

Avec The Nice house by the lake, primé au Festival de la BD d'Angoulême et récompensé par un Eisner Award, les auteurs nous avaient régalés en déroulant une histoire post-apocalyptique au sein d'une luxueuse villa. Un groupe de personnes y était invité par Walter, un hôte aussi prévenant qu'étrange. Puis le monde basculait dans le chaos. Grâce à un habile ping pong de flashbacks et flash forwards, Tynion IV nous entraînait dans un récit à la Lost, baigné de fantastique et d'horreur. Les deux tomes formaient un premier cycle. Voici donc le deuxième.

Il s'avère que cette villa sympa près d'un lac entre en compétition avec une autre résidence tout aussi magnifique, près de la mer. De brillants profils y ont été invités par un hôte également omnipotent, Max. Chacun d'eux incarnent un savoir-faire précieux alors que la planète est à feu et à sang. Deux résidences où tous les désirs sont exaucés, deux prisons dorées où les personnalités des occupants se révèlent, s'associent ou s'affrontent. Le paradis ressemble à l'enfer. Et bientôt, chaque groupe découvre l'existence de l'autre. Avec une idée qui s'impose : une seule villa survivra au cataclysme. 

Alvaro Martinez Bueno continue d'emballer par son dessin réaliste, magnifiquement mis en couleurs par Jordie Bellaire (découvrez les premières planches). Il parvient autant à capturer les sentiments des protagonistes qu'à instaurer une ambiance oppressante. James Tynion IV développe habilement la saga et nous tient en haleine pour la suite. En revanche, l'arrivée de nouveaux personnages et le retour sur leurs vies passées, en même temps que les relations du premier groupe sont approfondies, suscitent de la confusion. On s'y perd un peu dans ces histoires d'amour contrariées. Le scénariste est un architecte de l'intime : il sait retranscrire avec justesse les émotions qui ponctuent une vie, même la plus banale, les espoirs et les déceptions liés à l'amour. J'ai parfois trouvé qu'il s'y attardait trop, au détriment de l'intrigue à laquelle on reste pourtant accro. On attend une deuxième partie un peu mieux maîtrisée, davantage tendue. 


Anderton


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