mercredi 22 août 2012

Tribute to Tony Scott, le John Badham des années 2000


Le cinéaste britannique s’est suicidé dimanche 19 août. Il avait 68 ans. Autant l’avouer tout de suite : j’ai vraiment découvert Tony Scott tout récemment. Estampillé Yes man de Jerry Bruckheimer, les Top Gun, Flic de Beverly Hills 2 ou Jours de Tonnerre m’ont laissé longtemps complètement indifférent. Et ce malgré la puissance visuelle et vénéneuse de son premier coup d’éclat, Les Prédateurs. Puis vinrent True Romance, Spy game et Déjà vu… Mixeur de formes, de sons et d’images, il triture sa matière filmique, adopte un montage crescendo, joue de l’imagerie issue des couvertures médiatico-militaires des guerres du Golfe et de Somalie à la CNN – plans larges aériens, war rooms, prolifération des écrans – pour imposer un style régénérateur dans le Hollywood du début des années 2000, dominé par des artisans laborieux – Michael Bay, Wolfgang Petersen – et au moment où s’essoufflent Oliver Stone ou un certain Ridley Scott, son illustre aîné.

Focus en 7 films

Les Prédateurs (1983) : Coup d’éclat pour cette déchirante histoire de vampires contemporaine, située en majeure partie à Manhattan. Toute la patte de Tony Scott y est là : une esthétique chiadée et stylée (pubarde pour certains) ; un casting glamour, chic, mais idéal – Bowie, Deneuve au sommet de leur beauté ; une intrigue envoûtante et vénéneuse – la survie d’un couple de vampires, à l’ère du Sida : une BO incroyable – Schubert et le punk Bela Lugosi’s dead de Bauhaus !. Unique film du cinéaste présenté à Cannes, hors compétition, en 1983, en pleine Bowiemania, en même temps que Furyo, A la revoyure, à travers la quête sans fin de ce couple de vampires d’un élixir de jeunesse étrenelle, on peut lire en filigrane le destin du cinéaste, toujours en quête de renouvellement, assoiffé de nouvelles technologies, toujours en dépassement de soi. A l’image de la dégénérescence in live du visage de Bowie, une des séquences les plus marquantes des Prédateurs.

Top Gun (1984) : Le film emblématique des années Reagan ! Eloge de l’individualisme, beauté clipesque des gronavions, 1er blockbuster du tandem Bruckheimer-Simpson, 1er gros succès au BO pour Tom Cruise dont la carrière décolle. Découvert sur le tard – il y a 6 mois ! – avec le recul, Top Gun apparaît finalement juste pour ce qu’il est : un parangon du popcorn movie des années 80, efficace, musclé, jouissif, entièrement centré sur les prouesses techniques de son cinéaste.

Revenge (1990) : D’après une nouvelle de Jim Harrisson tirée de son recueil Légendes d’automne, ce thriller aux allures de western reste un de ses meilleurs films. Porté par une ambiance et un casting dignes d’un Peckinpah – Kevin Costner alors en contre-emploi, le patriarche Anthony Quin dans un de ses derniers rôles, Tomas Milian qui entamait une carrière aux Etats-Unis, et la désormais trop rare Madeleine Stowe – Revenge n’a pas bonne réputation. Et demeure son plus gros échec commercial. A réhabiliter.

True Romance (1993) : Malgré son excellente réputation, co-écrit par Tarantino et son coloc d’alors Roger Avary (Les lois de l’attraction), True Romance apparaît comme celui dans lequel il s’y est le moins impliqué. Reste un casting d’enfer – Slate, Arquette, Kilmer, Pitt – une scène d’anthologie entre Christopher Walken et Dennis Hopper. Et quelle BO (l’Akmé de Delibes, Billy Idol et Elvis !). Devenu culte.

Ennemi d’Etat (1998) : C’est avec thriller paranoïaque que Tony Scott gagne ses galons. Pure relecture du thriller à la Sydney Pollack – Les Trois jours du Condor – ou la Coppola – Conversation secrète, auquel il fait directement allusion via une scène et la présence de Gene Hackman au générique - Ennemi d’Etat pose les définitivement les fondements du style Scott : montage saccadé, saturation de l’image, montage nerveux, prolifération des surcadrages et des écrans…Et ce qui ne gâte rien, une dénoncitation de l’emprise des caméras de surveillance sur nos vies privées. Son meilleur film ?

Spy Game (2001) : dans la lignée d’Ennemi d’Etat, Tony Scott enchaîne avec ce film d’espionnage qui a pour théâtre la planète : Berlin, la Chine, Beyrouth, Washington. Là encore, derrière le classicisme apparent du film d’espionnage, Tony Scott déploie des trésors d’ingéniosité dans les méandres du scénario – qui se transforme en jeu du chat et la souris – dans la réalisation – notamment lors d’un conversation située à Berlin, qui alterne champs, contre-champs et vues aériennes depuis hélicoptère… Et puis, ce duo Redford-Pitt a vraiment de la gueule ! L’un des 1ers films post-11 septembre qui prend en compte le décentrage des Etats-Unis par rapport au reste du monde. Et l’apport des nouvelles technologies dans les systèmes d’écoute et d’observation.

Déjà vu (2006) : Loin d’être son meilleur film – trop long, parfois bavard et explicatif – c’est celui que je préfère. Car le plus personnel. A travers cette rocambolesque intrigue de retour vers le passé pour neutraliser l’auteur d’un attentat – remember Minority Report… - Tony Scott livre une version modernisée d’Orphée – Denzel Washington – descendue aux Enfers pour libérer son Eurydice – Paula Patton – des griffes d’Hadès – Jim Caviezel. Bercé par le morceau Don’t worry Baby des Beach Boys, un polar passionnant, mystérieux, et, disons-le, poétique.

A tort considéré comme un « bourrin », la carrière de Tony Scott, par son style reconnaissable entre 1000, son sens du casting – il aura fait tourner, dans le désordre, De Niro, Washington, Kilmer, Hackman, Redford, Pitt, Cruise, Kidman, Duvall, Smith, Willis, Travolta, Oldman, Bowie, Deneuve, Costner, Quinn, Knightley, excusez du peu ! – la variété des genres, et son humilité, se rapproche finalement de celle d’un autre réalisateur britannique, lui aussi souvent considéré comme Américain, et qui a fait les beaux jours du cinéma d’action hollywoodien des années 80, John Badham (Etroite surveillance, C’est ma vie après tout, Short Circuit, Tonnerre de feu, War games, La Fièvre du samedi soir).

Travis Bickle.

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