En salle (le 9 janvier) : Grand succès sur les planches en 2016, Edmond sort ce mercredi sur grand écran. Alexis Michalik, l'auteur de la pièce, s'est chargé de réaliser l'adaptation au cinéma et le résultat est formidable. Trois raisons (au moins) de vous précipiter dans les salles.
1) Une belle histoire
L'Edmond du titre, c'est Rostand. Michalik a eu l'idée de raconter la création de son chef-d'oeuvre, Cyrano de Bergerac. De l'écriture aux répétitions, jusqu'à la première, le 28 décembre 1897, rien ne fut simple. Par d'habiles jeux de miroirs, Michalik raconte avec humour et émotion comment cette genèse mouvementée a alimenté l'oeuvre elle-même. Et le spectateur retrouve avec plaisir en coulisses des situations ou des répliques immortalisées dans la pièce. Brillant.
2) Un vrai film, pas du théâtre filmé
C'est forcément l'écueil de toute adaptation d'une pièce de théâtre, surtout lorsqu'elle a eu du succès : vouloir trop coller au matériau d'origine, pourtant conçu pour être joué sur une scène, devant un public. Alexis Michalik ne s'est pas désespérément accroché au rideau. Au contraire, il a fait sortir son récit des "murs" et reconstitué le Paris de la Belle Epoque, associant décors "en dur" et images générées par ordinateur. Le réalisateur a multiplié les clins d'oeil (comme cette boutique dont la devanture annonce "Frères Michalik") et les hommages aux peintres de l'époque. Toulouse-Lautrec, Renoir, Manet, Degas sont notamment convoqués, certains de leurs tableaux étant réinterprétés, comme dans le café de Monsieur Honoré.
J'en connais qui soupirent d'avance en craignant la production classique à la française. Qu'ils soient rassurés, le film est tout sauf empesé ou ampoulé. Alexis Michalik propose une mise en scène enlevée. A l'image des vers d'Edmond Rostand, la caméra vole et virevolte, contribuant à donner du souffle et du rythme au film. Et le réalisateur nous offre une belle montée en puissance pour les vingt dernières minutes, montées sur une célèbre musique en crescendo - dont je tais le titre pour vous réserver l'effet de surprise.
3) Une distribution mêlant fraîcheur et expérience
Pour incarner Edmond Rostand, alors jeune auteur peu sûr de son talent, Michalik a fait appel à Thomas Solivérès. Drôle dans Intouchables, hilarant dans Les Gamins, le comédien livre une prestation touchante qui m'a rappelé celles de James Stewart dans La Vie est belle et Mr. Smith au Sénat. Solivérès campe un homme simple, fondamentalement bon, un peu gauche, qui semble dépassé par les événements mais qui s'élève sans écraser les autres. Il fallait tout le talent du comédien pour interpréter un tel candide sans le rendre insipide ou ridicule.
A lire : notre entretien avec Thomas Solivérès lors de la sortie des Gamins, en 2013.
A ses côtés, quatre jeunes acteurs qui amènent également beaucoup de fraîcheur : Tom Leeb dans le rôle de Leo, l'ami de Rostand et acteur séducteur ; Lucie Boujenah, dans celui de la "muse" de Rostand ; Alice de Lencquesaing, dans celui de l'épouse d'Edmond ; et Igor Gotesman, dans le rôle d'un acteur malgré lui qui se révèle sur scène. Le casting est complété par Olivier Gourmet, Mathilde Seigner et Clémentine Célarié, qui interprètent des divas, qui tourmentent le pauvre Rostand mais participent aussi à sa consécration. Formidable Jean-Michel Martial, qui incarne Monsieur Honoré, un patron de café généreux et lettré, qui prodigue conseils et encouragements, clouant le bec aux idiots et aux racistes. Dominique Pinon, excellent comme d'hab, est également à l'affiche ainsi que Simon Abkarian, Lionel Abelanski, Jeanne Arènes, Marc Andréoni, Antoine Duléry. Il y a même Olivier Lejeune (que les moins jeunes connaissent pour son duo avec Patrick Green) et bien, figurez-vous qu'il est bon dans son rôle d'acteur cabotin ! Et Alexis Michalik joue le rôle de Georges Feydeau... qui finira dindon de la farce.
Drôle, intelligent, émouvant, Edmond est un grand spectacle qui nous fait vibrer pour l'esprit et le patrimoine français dans ce qu'ils ont de plus généreux, de plus ouvert et de plus exaltant. On sort de la salle sur un petit nuage, un grand sourire aux lèvres.
Anderton
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