jeudi 24 janvier 2019

SS-GB : enquête au coeur du Londres nazi

En DVD : Et si les Allemands avaient envahi l'Angleterre en 1941 ? Tel est le postulat de SS-GB, une mini-série britannique en cinq épisodes et désormais disponible en vidéo chez Koba Films. Résultat : une uchronie qui refuse le manichéisme. Avec style.



En novembre 1941, l'armée allemande occupe une grande partie du Royaume-Uni. Churchill a été exécuté et le roi George VI fait prisonnier tandis qu'Hitler a signé un pacte d'amitié avec Staline. A Scotland Yard, sous contrôle d'un responsable SS, Douglas Archer enquête sur un meurtre qui s'avère avoir été commis par la Résistance. A la clé, des travaux scientifiques stratégiques.


La réussite de SS-GB tient au fait qu'elle mêle les genres : la science-fiction, la "reconstitution" historique, l'enquête policière et le récit d'espionnage. La mini-série a en effet été créée par Len Deighton, un auteur de romans d'espionnage, à partir de son propre ouvrage. Le script a été confié à Neal Purvis and Robert Wade, qui ont écrit les six derniers James Bond. Autant dire que le trio maîtrise les codes de la fiction traitant d'espionnage. On a droit d'ailleurs à des rencontres secrètes, des manigances, des organisations qui s'affrontent, un mystérieux projet révélé non pas par un micro-film mais par un négatif photo... Et des morts, bien sûr. 

Le récit se déroule dans un environnement "réaliste" et aurait pu tout à fait se dérouler à Paris pendant l'Occupation. Un grand soin a été apporté aux décors et aux costumes, tout comme à la photo. Certes, le spectateur français est plus familiarisé que son homologue britannique avec tout ce qu'impliquait de vivre sous le joug allemand (encore qu'aujourd'hui, on constate que certains de nos compatriotes ont la mémoire bien courte...). Donc pas d'étonnement devant les rationnements, les rafles, l'arbitraire. Mais l'ambiance générale est très crédible. Ce qui m'a plu aussi, c'est la volonté des auteurs et du réalisateur (l'Allemand Philipp Kadelbach) d'ancrer personnages et situations dans l'univers du roman et du film noirs. Le flic est désabusé et tente de rester droit dans une ville rongée par le crime et le vice. Sur son chemin, il croise des gens retors et manipulateurs. Et une femme fatale, bien sûr. Tous ce petit monde fume beaucoup et boit souvent - et pas seulement du thé.

Grey is the new black

Inspiration du "noir" donc ; pour autant, SS-GB privilégie les zones grises. Les personnages sont construits avec nuances. Pas de héros triomphant ni de salopards absolus. Fedora impeccablement vissé sur le crâne, voix rauque, regard trouble, Sam Riley (Suite française, Maléfique, Sur la route) interprète avec beaucoup de conviction le détective Archer qui refuse de prendre parti, bien décidé à faire son métier et rien de plus. Mais peut-on rester neutre en temps de guerre ? Le voilà bientôt confronté à un dilemme moral. Quant aux SS, plus que des idéologues exaltés, ce sont surtout des arrivistes impitoyables lorsqu'il s'agit de protéger leurs intérêts personnels. L'unité aryenne n'est que façade. Les Résistants ne font pas non plus dans le détail. Dans le royaume occupé et déchiré, les vies comptent bien peu.

On retrouve au casting Kate Bosworth (21), Lars Eidinger et Rainer Bock - des acteurs allemands que je ne connaissais pas et qui sont excellents, James Cosmo (Game of Thrones, La Folle aventure des Durrell), James Flemyng (Kick-Ass) et Julian Rhind-Tutt (Britannia, The Hours). Une fois de plus, la BBC prouve qu'elle sait produire des fictions de grande qualité.

Anderton
  

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