A lire : Disparu des radars alors que son box-office personnel affiche plus de 80 millions de spectateurs en salle. Un palmarès récompensé par deux César où figurent (entre beaucoup d'autres) L'Aile ou la cuisse, Inspecteur La Bavure, Les Ripoux et La Totale. Qu'est donc devenu Claude Zidi ? Vincent Chapeau a décidé de consacrer un livre à l'un des maîtres de la comédie française. Un travail de longue haleine et frustrant car le cinéaste n'a pas voulu lever le voile sur son intimité. Pour autant, Claude Zidi en toute discrétion est un ouvrage formidable. Explications.
Chapeau à Chapeau (oui, je sais mais je devais le faire), qui a persévéré, et bravo à son éditeur Hors Collection, qui lui a laissé le temps de revoir sa copie et d'écrire un ouvrage plus vaste qu'une biographie. Comme l'auteur l'explique en préambule, il a fallu convaincre Zidi de se raconter. Pas simple tant l'homme est pudique. D'emblée, il a exclu toute révélation sur sa vie privée. Tout juste saura-t-on donc que le petit Claude est un môme de Paris. Sur son enfance pendant l'Occupation ou sa famille, il restera muet. Reste sa carrière qu'il aborde plus volontiers mais sans s'étendre non plus.
Hollywood sur scène et tournées provinciales
Vincent Chapeau va donc approcher les techniciens et acteurs qui ont travaillé avec lui : Jean-Jacques Beineix, Daniel Auteuil, Jane Birkin, Roberto Benigni, Vladimir Cosma, Thierry Lhermitte (qui signe la préface) et bien d'autres. Il va également rechercher dans des journaux ou dans des livres toutes les infos sur les films auxquels a participé Zidi. Soit 25 longs-métrages en tant que réalisateur mais beaucoup plus en tant que technicien caméra, cadreur, directeur de la photo, scénariste ou producteur. Or, Zidi a travaillé sur de nombreux films américains tournés en France (dont Le Jour le plus long, Paris Blues, Charade et Le Train ) et avec des grands noms du cinéma français : Georges Franju, Gilles Grangier, Jacques Rivette, Jacques Demy, Agnès Varda et Claude Chabrol (notamment sur La Femme infidèle, Que la bête meure, Le Boucher).
Car Zidi était tout le contraire d'un sous-doué. Sa fiabilité et ses compétences techniques lui ont permis rapidement de prendre part à des tournages alors qu'il étudiait encore à "Vaugirard", la célèbre école de cinéma qui a été rebaptisée Louis-Lumière. Il a ainsi gravi tous les échelons derrière la caméra jusqu'à réaliser son premier long-métrage, Les Bidasses en folie, en 1971. Vincent Chapeau revient sur chacun de ses films, dont il raconte les productions, avec beaucoup d'anecdotes. Et ce qui devait être une bio classique devient une petite histoire du cinéma français de l'après-guerre, où l'on croise des producteurs gonflés et/ou magouilleurs, des stars américaines, des jeunes Turcs pressés de faire exploser le système... Où l'on découvre la vie sur un tournage, les grands plateaux de la banlieue parisienne, les petites villes de Province où l'équipe du film vient s'installer pendant quelques semaines, bouleversant la vie quotidienne d'habitants ravis... Où le public se rend en masse dans les salles.
Le cinéma français de cette période, c'est à la fois un immense savoir-faire et une grande insouciance. La télévision ne dicte pas encore sa loi. Le lecteur découvre les coulisses de grands succès populaires, dans le sillon de producteurs tels Claude Berri et Christian Fechner. Des cadors amateurs de paris et amoureux de cinéma. L'argent coule parfois à flot. La description des "années Charlots", avec lesquels Zidi tourne quatre films en quatre ans, est tout simplement dingue. Au cours des décennies 1970 et 1980, Claude Zidi est le roi du pétrole. Il impose sa science du gag et du cadre tout en laissant ses comédiens s'exprimer.
Cador en or
Au sein de ce capharnaüm, le cinéaste a toujours su garder la tête froide et maîtriser ses nerfs. Les témoignages abondent pour souligner sa gentillesse et son professionnalisme. Aussi pudique que modeste, Claude Zidi abandonne la réalisation en 2011, après avoir cosigné avec son fils Julien le téléfilm Les Ripoux anonymes et deux films qui n'ont pas déplacé les foules en salles (La Boîte, Les Ripoux 3). Et il a l'air très heureux d'avoir tourné la page, préférant se consacrer à sa famille et à la peinture.
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire cet ouvrage qui m'a fait mieux connaître un cinéaste dont j'ai vu et revu les films sur magnétoscope et le téléviseur familial. Combien de fois ai-je regardé La Moutarde me monte au nez et La Course à l'échalote (Pierre Richard et Jane Birkin faisait un beau couple), L'Aile ou la Cuisse (j'y ai appris la définition d'agueusie), La Zizanie ("Premièrement, le plein emploi..."), Les Sous-doués (la machine à claques et Tu seras un homme, mon fils), Inspecteur la Bavure ("Na fifille !"), Banzaï ("Tu m'fais mal, Michel"), Les Ripoux (le coup de bottin qui ne laisse pas de traces) et Association de malfaiteurs ("Mais tu baises un flic, tu crois que tu baises la police ?")... Merci Monsieur Zidi pour ces après-midis et soirées pleines de rires.
Trois anecdotes à l'attention des geeks
- Alors que L'Aile ou la cuisse doit réunir à l'écran Pierre Richard et Louis de Funès, le grand blond décide finalement de se retirer du projet - il ne sent pas le rôle. C'est la cata. La prod cherche un remplaçant. Pierre Grunstein pense alors à Coluche. Il file le rejoindre dans un cinéma où l'Enfoiré regarde... THX 1138 de George Lucas ! Coluche ne verra pas la fin du film, les deux hommes finissant leur discussion dehors.
Selon Jérôme Wybon, qui nous a contactés : "Le film était en fait American Graffiti. C'est raconté par Pierre Grunstein dans mon documentaire Le Cinéma de Coluche". - En couple avec une journaliste installée à Hollywood, Claude Zidi l'accompagne sur le tournage de 1941. Pour accéder sur le plateau, la compagne de Zidi fait passer son homme pour son rédacteur en chef. Et c'est à ce titre qu'il se présente à Steven Spielberg.
- Dans Inspecteur la bavure, Coluche et Gérard Depardieu tournent une scène dans un petit appartement parisien. Il y a peu de place mais un nouvel arrivant tient absolument à assister à la scène qui se tourne. C'est John Travolta, grand ami de notre Gégé national ! Une présence qui stupéfiera le petit garçon des propriétaires de l'appart.
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