lundi 2 décembre 2019

Autopsie d'un meurtre : un superbe écrin pour un classique

En Blu-ray et DVD : Dans le genre des films de procès, Autopsie d'un meurtre (Anatomy of a murder, 1959) fait sans aucun doute partie des plus grandes réussites hollywoodiennes. Et pour cause. On retrouve à la barre : Otto Preminger, James Stewart, Lee Remick, Ben Gazzara, George C. Scott mais aussi Duke Ellington et Saul Bass. Carlotta Films consacre à ce classique restauré en 4K un coffret collector de toute beauté.



Dans une petite ville du Michigan, l'avocat Paul Biegler passe plus de temps à pêcher qu'à plaider. C'est alors qu'une jeune femme, Laura Manion, débarque dans son cabinet  pour lui demander de défendre son mari, Manny : lieutenant dans l'armée, ce dernier a été incarcéré après avoir tué un homme qu'il accuse d'avoir violé son épouse. Biegler accepte le dossier et propose à Parnell McCarthy, un ami et collègue porté sur la bouteille, de l'assister. Il découvre que Manny est un mari jaloux et violent tandis que Laura s'avère être une femme séductrice, pour ne pas dire volage. Au procès, Biegler se retrouve face à un duo de procureurs coriaces, dont le brillant Claude Dancer.


Autopsie d'un meurtre met ainsi en scène des figures devenues iconiques dans les films de procès : le petit avocat de province face au ténor du barreau, l'avocat alcoolique, l'accusé antipathique, le juge pétri de sagesse... Un petit monde qui pourrait être considéré par le spectateur d'aujourd'hui, habitué depuis des années aux films et séries judiciaires, comme une brochette de caricatures. Et bien non ! D'abord parce que le scénario de Wendell Mayes privilégie la finesse aux gros effets. Et surtout parce que Preminger a réuni un casting 5 étoiles qui apporte profondeur, humanité et parfois ambiguïté aux personnages. James Stewart est parfait en brave homme de loi qui semble au départ un peu largué mais se révèle bien vite rusé. Il est doué le Jimmy pour nous apitoyer avec son regard un peu triste et sa posture un peu gauche. Mais Biegler est un as de la pêche, c'est dire s'il sait être patient et plus malin que sa proie. George C. Scott incarne un procureur "de la haute", brillant et avec juste ce qu'il faut de morgue. Souvent contraint au silence par le juge, l'acteur impose sa présence dans la salle d'audience, suscitant une tension palpable tout au long du procès. C'est un bonheur de voir le duo s'affronter : la star old school face au jeune acteur adepte de la Méthode. 

Egalement membre de l'Actors Studio, Ben Gazzara impose son style : économie de paroles et de gestes, regards et attitudes menaçants... on le sent prêt à exploser à tout moment. Il n'a pas cherché à faire de son personnage un héros. Quant à Lee Remick, elle est excellente en épouse frivole et consciente de l'effet qu'elle produit sur les hommes. Les seconds rôles sont tout aussi marquants :  il y a notamment Arthur O'Connell, dont la moustache nous dit quelque chose, et Murray Hamilton, abonné aux rôles de types veules et pas nets (il incarnera le maire d'Amity dans Les Dents de la mer).




Justice jazz

Otto Preminger s'attache à nous révéler les rouages de la justice américaine, en rendant accessibles ses enjeux et en pointant ses imperfections, notamment la valeur des témoignages. Le cinéaste met aussi en lumière l'étroitesse d'esprit et la pruderie de l'Amérique profonde. Jamais il ne perd de vue l'humain, pas plus qu'il n'étouffe la dramaturgie de son oeuvre sous des procédures ou des termes juridiques. On est captivé par l'investigation de Biegler et les débats au procès. Des débats tellement prenants et brillants que Preminger se passe de nous montrer les plaidoiries finales ! 

La mise en scène est enlevée, à l'instar de la bande originale jazzy, signée Duke Ellington - qui fait une petite apparition dans le film. A noter également que le grand Saul Bass a réalisé le générique du film. Son graphisme est repris sur l'affiche.


Belle édition de Carlotta Films. Le film, restauré en 4K, est accompagné par un passionnant portrait d'Otto Preminger réalisé par le critique André S. Labarthe (Otto Preminger And The Dangerous Woman). Autre bonus : un reportage sur le tournage du film et une bande-annonce. Le coffret collector Prestige contient, outre le Blu-ray et le DVD, un fac-similé du livre Anatomy of A Motion Picture de Richard Griffith (132 pages, en anglais), un portfolio de 5 photos d'époque et l'affiche du film (40 x 60). C'est bientôt Noël...

Anderton

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