dimanche 5 juin 2022

Les Magnétiques : chronique électrisante de la jeunesse 80's

Les Magnétiques DVD CINEBLOGYWOOD


En DVD : Le Festival de Cannes 2022 est terminé mais il est possible de se (re)plonger dans une pépite de l'édition 2021. Présenté à La Quinzaine des réalisateurs, où il a remporté le Prix SACD, Les Magnétiques sort en vidéo chez Blaq Out. Vincent Maël Cardona signe la chronique intimiste d'une jeunesse paumée et de la naissance de l'électro dans la France des années 1980.


C'est une petite et morne ville de province où la jeunesse échappe à l'ennui en écoutant du rock d'Outre-Manche dans les vapeurs d'alcool et les effluves de marie-jeanne. A l'aube de la décennie 1980, la France périurbaine - comme on l'appellera plus tard - baigne dans son jus giscardo-pompidolien. Deux frangins ont lancé une radio pirate : Jérôme, l'aîné rebelle en lutte perpétuelle contre son père garagiste, en est le fougueux animateur tandis que Philippe, le cadet taiseux, s'occupe de la technique et bidouille des sons qui semblent venir d'une autre planète. Tout juste lève-t-il les yeux sur Marianne, la copine coiffeuse de son frère. C'est alors que François Mitterrand est élu président, un événement qui réveille le "peuple de gauche" et embrase la jeune génération. L'espoir de lendemains meilleurs. Mais Philippe est appelé à faire son service militaire.

Pour son premier long-métrage, Vincent Gaël Cardona nous bluffe à plus d'un titre. D'abord par la maturité de son récit, peaufiné pendant plus de dix ans avec l'aide de multiples scénaristes. Un récit qui réussit à saisir l'esprit d'une époque de même que les aspirations de la jeunesse. Ce tableau général n'étouffe jamais la psychologie des personnages, des écorchés vifs qui ne savent pas comment dire "je t'aime", englués qu'ils sont dans une existence aussi étriquée que la bourgade grise dans laquelle ils se retrouvent pour picoler ou écouter de la zique. La relation entre les deux frères est tout sauf simpliste : Jérôme, la grande gueule, protège Philippe, le Pierrot lunaire perdu dans ses compositions sonores... Lequel couve son grand frère, en observateur attentif de ses emportements et de ses excès. Entre eux, Marianne, qui se révèle sensible à l'attention que lui porte le cadet. Epatant trio de comédiens qui leur donnent vie à l'écran : Thimotée Robart (Philippe), Marie Colomb (Marianne) et Joseph Olivennes (Jérôme). J'y ajoute Antoine Pelletier. Ils apportent de l'intensité à leurs rôles en même temps qu'une grande bouffée d'air frais au cinéma français. Le cinéaste capture les émotions qui affleurent sur leurs visages avant d'exploser, parfois. 

Exaltations visuelles et sonores

La maîtrise technique de Cardona est tout autant impressionnante. Il instaure une atmosphère pesante, complètement raccord avec l'état d'esprit des personnages. Par sa mise en scène toute en retenue, une menace diffuse plane sur le récit. L'émotion semble étouffée. Jusqu'à des jaillissements visuels et sonores lors de séquences exaltantes, une rave en rase campagne ou une séquence géniale durant laquelle Philippe déclare sa flamme à Marianne en remixant Le Premier pas de Claude-Michel Schönberg à la radio. Brice Pancot signe une photo où des éclats rouges ou orange viennent déchirer un univers aux couleurs éteintes tandis que Mathieu Descamps, Pierre Bariaud et Samuel Aïchoun réalisent un incroyable travail sur le son - dans la veine de celui proposé dans Boîte noire. Décors et costumes contribuent à la reconstitution soignée de la France des 80's - Marion Burger la chef déco et Samuel Aïchoun reviennent sur leur contribution dans deux suppléments. Signalons encore le beau score de David Sztanke, qui se marie à merveille avec des morceaux punk et new wave de l'époque.

Outre son prix à La Quinzaine (un troisième bonus présente le discours de Cardona à Cannes), Les Magnétiques a été récompensé au Festival de Deauville ainsi qu'aux César. Amplement mérité tant cette pépite nous touche par sa justesse et son éclatante virtuosité.

Anderton

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