En Blu-ray et 4K : C'est toujours délicat de revoir un film trente ans après qu'il vous a ému aux larmes. Découvert lors de sa sortie en salle en 1988, Cinema Paradiso (Nuovo Cinema Paradiso en V.O.) est disponible en Blu-ray, faisant suite à sa sortie en version 4K Ultra HD à la fin 2021. Alors que je glissais la galette dans le lecteur, une affreuse appréhension m'étreignit le coeur : les années m'avaient-elles endurci le cuir et asséché les yeux ? La réponse est non. Le film de Giuseppe Tornatore suscite la même émotion. Pour plusieurs raisons.
Une belle histoire
A Rome, Salvatore apprend le décès d'Alberto. L'orage éclate, les souvenirs affluent. Trente ans plus tôt, le jeune Salvatore, "Toto", était fasciné par le cinéma de son petit village de Sicile. Les films qu'y projetait Alberto étaient soumis à la censure du curé. Entre le gamin espiègle et le projectionniste bougon s'était établie une solide amitié. Cette relation transgénérationnelle, qui associe rires, cris, coups de pied au cul et amour du cinéma, a de quoi faire fondre le coeur des plus endurcis. Et s'ils sont cinéphiles, comment pourraient-ils rester insensibles aux extraits de films projetés dans le cinéma et aux réactions du public ? Tornatore prédit la disparition d'un lieu de communion qui réunissait dans un joyeux bordel (Italie oblige) petits et vieux, paysans et bourgeois, riches et indigents. Au-delà des différences, chacun se retrouve à rire ou pleurer aux mêmes moments. Le jeune Toto vit sa vie avec pour toile de fond celle de l'écran et des images magiques qui y sont imprimées. La fable est belle, un peu triste mais tellement belle.
Des comédiens formidables
Certains gamins à l'écran peuvent être rapidement horripilants, surtout s'ils surjouent l'émotion. Tout l'inverse du petit Toto (Salvatore Cascio) : il est craquant, avec ses grands yeux et son sourire malicieux. On aurait d'yeux que pour lui s'il n'y avait en face l'immense Philippe Noiret. Le Français évite le cabotinage que certains acteurs adoptent pour "exister" face à leurs jeunes partenaires : il campe un vieux râleur qui s'avère généreux et prévenant et nous bouleverse quand, au-delà de la commedia, il révèle la souffrance de son personnage, adulé et isolé, là-haut dans sa cabine puis dans son monde intérieur. Un monde dont il sort quand il discute avec Toto devenu adolescent : Marco Leonardi lui apporte un feu tout intérieur, une fougue rentrée derrière un sourire timide. Quadragénaire, c'est Jacques Perrin qui prête ses traits à Salvatore. Quelle émotion de revoir le comédien qui retourne sur ses terres, qui ont bien changé. On pleure avec lui lorsqu'il découvre le magnifique cadeau que lui a fait Alberto. Parmi la belle galerie de seconds rôles qui peuplent le film, citons Leopoldo Trieste, dont les mimiques hilarantes font du père Adelfio plus qu'un curé censeur.
Une comédie à l'italienne
Tout au long du film, nos gorges lâchent des rires francs ou s'étranglent d'émotion. Tornatore signe une comédie à l'italienne, bercée par la nostalgie, portée par la tendresse et le romantisme ; une comédie dans laquelle l'humour est imprégné de larmes. Les séquences au sein du Cinema Paradiso sont truculentes, parfois excessives ou touchantes. Le cinéaste confond la magie du 7e art avec la dure réalité de la vie dans les terres arides de Sicile. La communauté villageoise réunit des trognes, des caractères. Entre Fellini et Daumier. Une réjouissante commedia dell'arte !
Romantisme baroque
Dans ce village de Sicile où tout semble immuable - les édifices, les traditions, les rapports sociaux -, la caméra de Tornatore apporte le mouvement et traduit les émotions qui animent les personnages. Un mouvement visuel en symbiose avec la musique d'Ennio Morricone, dont les bouleversants violons évoquent aussi bien le romantisme que la nostalgie de temps âpres mais vécus avec légèreté par le petit Toto. Cinema Paradiso est en ce sens un film baroque, à l'image des façades des églises à la fois massives, surchargées et éthérées du Sud-Est de la Sicile.
Le film édité par TF1 Studio et Universal Pictures est proposé dans un beau master. Les bonus foisonnent. Que c'est bon d'entendre Noiret, déjà un peu affaibli, évoquer le tournage et son immersion dans un univers inspirant. Enfin, précisons que le film mérite deux visionnages : le premier en version originale, surtout pour les italophiles qui seront ravis d'entendre la voix de Toto ainsi que l'accent et les expressions siciliennes ou napolitaines qui ponctuent les dialogues, et le second en VF pour retrouver les intonations uniques de Noiret et Perrin (bien doublés dans la version italienne).
Anderton
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