vendredi 10 mars 2017

Rusty James : Coppola the wonderboy reigns

En DVD et Blu-ray : 1984. Francis Ford Coppola, 2 Palmes d’Or, une palanquée d’Oscars, est au bord du gouffre – financier et artistique.

Après la banqueroute de Coup de cœur (1982), il doit vendre ses studios et mettre ses biens sous hypothèque. Le voilà à la merci des studios, pour lesquels, tel un jeune débutant, il livre à quelques mois d’intervalle deux oeuvres jumelles radicalement opposées, tirées du même auteur, Susan Hinton, tournées dans la même ville, Tulsa, - déjà marquée du sceau de Larry Clark -  avec quasiment la même équipe. Si l’un triomphe au BO – Outsiders, 25 millions de dollars au BO – l’autre, Rusty James (Rumble Fish), rencontre un bide commercial retentissant. 35 ans après, force est de constater que Rusty James reste pourtant une des œuvres majeures du cinéaste, emblématique d’un style, d’un cinéaste et d’une époque. A la fois insolite et expérimental, radical et inspiré, Rusty James est à redécouvrir absolument dans la superbe édition que nous livre Wild Side. Pour au moins 4 raisons.
 


Pour le style 80’s
Fumigènes, nuages accélérés, combats de rue chorégraphiés comme des ballets, toute la panoplie des tics des années 80’s se trouve compilée ici. Mais ils sont ici au service d’une histoire et d’une thématique chère à Coppola : la fuite du temps, irrémédiable. D’où la présence de ces horloges, parfois sans aiguilles, qui scandent une inéluctable course contre la montre, qui frappe la jeunesse dès son apparition. Ce qui confère à cette chronique adolescente un véritable parfum de tragédie grecque. Et lui donnent un caractère intemporel, à 1000 lieues des effets modes et tapageurs de beaucoup de films de la même époque.
 
Pour son aspect autobiographique
Derrière le récit des relations fraternelles qui unissent Mickey Rourke à son cadet Matt Dillon se cache l’hommage du cadet Francis à son aîné August. Une confession, donc, chuchotée et admirative, que Francis Coppola poussera à incandescence 20 ans plus tard, avec Tetro, lui aussi tourné en noir et blanc et couleurs, l’année même de la disparition de son frère. Une relation en miroir, qui constitue le cœur enfoui de cette ouvre, illustrée à l'écran par l'usage répété de surfaces réfléchissantes. Et par un plan en particulier : torse nu, Rusty James se soigne devant un miroir alors que celui-ci reflète l'image de Motorcycle Boy, alors hors champ.
 

 
Pour ses audaces formelles
Après une palanquée de chefs d’œuvre tournés dans des conditions parfois apocalyptiques – Parrains 1 et 2, Apocalypse Now, Conversation secrète, Coup de cœur – Outsiders, et surtout Rusty James témoignent d’une vitalité de la part de Coppola inattendue. A 44 ans, il semble là se réinventer, tourner un premier film, "un film arty sur l’adolescence", dira-t-il. Comment ne pas être ébloui par son ambition formelle qui pourra détonner de la part d’un cinéaste installé et reconnu ? De ses effets sonores destinés à retranscrire la semi-surdité de Motorcycle boy ? Que dire de la musique signée Stewart Copeland, batteur de Police, qui accompagne rythmiquement et les pulsations de ces héros tragiques ? De son univers visuel et sonore absolument stupéfiant – noir et blanc taché de touches de couleur, à l’instar du daltonisme de Motorcycle boy ? Chapeau à Stephen Burum pour son incroyable travail à la lumière, qui nimbe d’onirisme un noir et blanc qui rappelle à la fois la poésie de Cocteau et l’expressionnisme d’un Docteur Caligari !
 
Pour son casting
Enfin, c’est l’occasion de redécouvrir des acteurs stupéfiants. Matt Dillon, bien sûr, en pseudo-James Dean, tee-shirt blanc, bandana sur la tête, tient là le rôle de sa vie – il ne le savait pas encore. Vu la suite de sa carrière, ce n’en est que plus bouleversant. Quant à Mickey Rourke, auquel Coppola avait donné pour consigne de lire Camus, il entame là son sentier vers la gloire, dans un rôle mythique, celui de l’enfant prodigue, de l’ainé charismatique, conscient de son sort tragique. A leurs côtés, on découvre Diane Lane, issue de la troupe d’Outsiders ; Nicolas Cage, dans son premier rôle, neveu de Francis, fils du frère adoré du réalisateur August ; Dennis Hopper, dans un rôle de paternel, complice et incontrôlable ; dans des rôles secondaires Sofia Coppola et Laurence Fishburne, fidèles de la troupe Coppola.
 
Travis Bickle

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