En salles : Présenté cette année au Festival de Cannes 2017 en Sélection officielle, Le Redoutable permet à son réalisateur Michel Hazanavicius de revenir sur le devant de la scène après l’échec terrible de sa fresque consacrée à la Tchétchénie, The Search. Avec ce film insolent, caustique, incongru, ludique et amoureux, il livre un biopic bien différent des codes du genre, tout en se livrant à un autoportrait de l’artiste en JLG, saisi à un moment particulier de sa carrière : celui de la crise artistique, amoureuse et existentielle. Ni déférent, ni sarcastique, juste sérieux et jouissif... comme le plaisir. Décryptage.
12 mois dans la vie d’un créateur nommé JLG
En adaptant très fidèlement Un an après, le livre de souvenirs d’Anne Wiazemsky, la compagne de Jean-Luc Godard à la fin des années 60, Hazanavicius s’attache à un moment particulier de la vie du cinéaste : Mai 68. Entre l’échec de La Chinoise (1967) et sa période Dziga Vertov, le film retrace 12 mois dans la vie d’un artiste pas banal dénommé Jean-Luc Godard. Moment de crise à la fois conjugale, artistique, politique et existentielle pour l’auteur du Mépris. Forme d’autoportrait au moins artistique de Michel Hazanavicius, dont on sent bien que faire autre chose qu’OSS 117 ou les pastiches qui ont fait sa gloire – La classe américaine – le travaille fortement – tout autant que JLG en 1968. Mise en abyme fétichiste et sophistiquée, truffée de clins d’œil et d’humour, qui raviront les fans du réalisateur canaille d’OSS 117 et ceux de Godard. On dénombre plus les allusions de Michel Hazanavicius aux films de JLG, de Pierrot le fou (hilarante remontée de Cannes en voiture) à Vivre sa vie, en passant par Le Mépris.
Ajoutons que la grande force de cette évocation tient au point de vue qu’il adopte, celui de sa compagne. Point de vue affectif, des yeux d’une jeune actrice à l’orée de sa carrière, complètement folle d’un homme, certes amoureux, mais d’abord entièrement dévolu à son art.
Ni ni
S’il est difficile de définir précisément le genre auquel se rattache ce Redoutable, on peut très bien définir ce qu’il n’est pas : une hagiographie, un biopic, un pastiche, un drame historique, une reconstitution, un drame psychologique, une comédie burlesque, un hommage. Un peu de tout cela, certes, en tout cas, une évocation pop et inventive d’un cinéaste à la fois redouté et redoutable, que Michel Hazanavicius parvient ici à parfaitement dompter.
Louis Garrel réinventé
Michel Hazanavicius réinvente complètement Louis Garrel – comme il l’avait fait avec Jean Dujardin. Entre imitation et recréation, Louis Garrel s’est visiblement amusé à jouer avec la figure du cinéaste suisse. Du grand art, qui rappelle le travail de Michel Bouquet sur François Mitterrand : ni tout à fait semblable, ni tout à fait différent, et pourtant désormais indissociable. Grâce à son interprétation mimétique et distanciée, il se montre aussi à l’aise dans les moments romantiques, politiques que grotesques. Depuis Saint-Laurent, il a trouvé une légèreté et une vis comica qui lui sied à merveille. A ses côtés, dans le rôle d’Anne W, de 20 ans la cadette du réalisateur, la mutine Stacy Martin illumine de son allure pop et gracile une tragédie conjugale qui sous d’autres yeux, aurait pu sombrer dans la noirceur et le drame.
Design pop sans muséification
De même qu’il était parvenu à reconstituer de manière flamboyante l’ambiance de la IVe République dans ses OSS 117, Hazanavicius excelle dans celle des sixties : costumes, décors, design. Des intérieurs d’immeubles jusqu’aux villas méditerranéennes en passant par un tournage en Italie ou les AG à la Sorbonne et les cafés de Saint Germain des Prés, il concentre là tout le design des 60’s. De manière virtuose, vivante, sans aucune muséification. De même, pas de name droping intempestif, même si connaître Jean-Pierre Guérin, Michel Cournot ou Marco Ferreri ajoute à la saveur de certaines scènes.
Et au fait, pourquoi Le Redoutable ?
Il s’agit du sous-marin nucléaire français lancé à la même époque, qui va sa vie, imperturbable, malgré les obstacles et les accidents. Sorte de métaphore de l’histoire conjugale que vivent Jean-Luc Godard et Anne Wiazemsky. Le commentaire en voix off du journaliste- "Ainsi va la vie à bord du Redoutable" - revenant comme un leitmotiv lancinant, celui d’une époque, d’un artiste et d’un couple.
Travis Bickle
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