mardi 12 novembre 2019

Dans les coulisses pas si lisses du cinéma français

A lire : La production hors de contrôle de Cléopâtre, le tournage dantesque d'Apocalypse Now, les règlements de compte entre les anciens partenaires de Fast and Furious... On les connaît, ces dérapages et ces disputes devenus mythiques. Mais faut pas croire que ça n'arrive qu'à Hollywood. Nous aussi, en France, on sait faire ! La preuve : Philippe Lombard raconte dans Ça tourne mal "l'histoire méconnue et tumultueuse du cinéma français". Un vibrant cocorico poussé par le coq Pathé à la gueule du lion de la Métro-Goldwyn-Mayer.



Depuis le temps que Philippe Lombard écrit sur notre cinéma à nous, il en connaît des anecdotes. Des croustillantes, des rigolotes, des pas piquées des vers. Il y en a tellement qu'il en fait une compilation soigneusement rangée en chapitres thématiques, depuis la pré-production du film jusqu'à sa sortie, en passant par le tournage. Autant d'étapes-clés qui permettent d'évacuer le tout à l'ego de talents qui n'en manquent pas. Alors forcément, ça coince autant que ça claque. Il y a les emmerdeurs, comme Lino Ventura dont les principes personnels doivent également guider les actes de ses personnages ; les caractériels, comme Claude Sautet, capable de pousser une gueulante sur un plateau avant de fondre en larmes ; les sadiques, comme Jean-Pierre Melville, qui prend un malin plaisir à humilier ses comédiens. 

Et puis, parfois, deux stars ensemble, ça fait une constellation d'ennuis : financiers pour Jean Gabin et Fernandel qui s'associent dans une éphémère et peu rentable boîte de prod ; juridiques pour Jean-Paul Belmondo et Alain Delon, qui se brouillent un temps à la sortie de Borsalino pour une mention sur l'affiche. C'est pas joli-joli quand deux amis se disputent. La preuve avec François Truffaut et Jean-Luc Godard qui, après avoir descendu de concert le cinéma de papa aux Cahiers du cinéma, s'échangeront plus de 400 coups, insultes et autres amabilités une fois devenus cinéastes reconnus. A l'inverse, Henri Attal et Dominique Zardi, les seconds couteaux les plus célèbres du cinéma français, s'entendaient parfaitement pour sortir les leurs, de couteaux, et menacer producteurs ou metteurs en scène afin de dégoter des rôles. Deux adeptes de la Méthode... de voyou !


A travers une succession de petites histoires, aussi drôles qu'édifiantes, et de portraits en pied (au culte), l'auteur rappelle que la création d'un film, c'est avant tout une grande aventure dans laquelle embarque une équipe souvent brillante mais pas toujours soudée. Le long-métrage français traverse alors les tempêtes, sans changer de cap, mais parfois, le paquebot France prend l'eau comme le Titanic et coule avant d'arriver à bon port - il y a d'ailleurs un bon chapitre consacré aux films qu'on ne verra jamais. Cependant, pas de ricanement, ni de cynisme de la part de Philippe Lombard : il sait nous conter ces déboires dans un style alerte qui transpire l'amour pour le cinéma. On dévore son ouvrage par ailleurs richement illustré, à la maquette colorée et bourrée de trouvailles graphiques. Une maquette qui plaira aux lecteurs de l'excellente revue Schnock. Et pour cause, elle est réalisée par @MrChoubi, le directeur artistique de ladite revue, et Ça tourne mal est publié par le même éditeur, La Tengo. Du grand (7e) art.

Sur Twitter, suivez @phil_lombard  

Anderton

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