A lire : Belle initiative d'Urban Comics qui publie le premier tome d'un recueil de la BD culte signée Ed Brubaker et Sean Phillips, Sleeper. Bienvenue dans un univers noir. Très noir.
Membre d'une agence gouvernementale secrète, les Opérations internationales, Holden Carver a été missionné pour ramener un artefact alien retrouvé sur Terre. A son contact, il a hérité de pouvoirs qu'il vit comme une malédiction : il ne ressent plus aucune souffrance, il peut au contraire l'emmagasiner et la transmettre par le toucher. En prime, il a la capacité d'auto-guérir. Autant d'atouts qui ont amené son boss à lui confier une nouvelle mission : infiltrer une organisation mafieuse dirigée par l'impitoyable Tao. Personne au sein de l'agence n'est au courant que Carver agit under cover. Sauf son supérieur hiérarchique. Or, celui-ci tombe dans le coma. Désormais Carver doit survivre sans se faire démasquer par Tao, ni arrêter par ses anciens collègues.
Publié en deux séries de douze numéros chacune, entre 2003 et 2005, Sleeper est la première création née de l'association de Brubaker et Phillips. Et c'est une réussite totale. Le duo a insufflé l'ambiance du polar à un univers super-héroïque. Ici ou là, on voit apparaître quelques capés, des bad guys surtout. Et Carver est amené à utiliser ses super-pouvoirs. Mais Sleeper est avant tout un thriller qui reprend les codes du roman noir : un type seul contre tous, des méchants vraiment méchants et des gentils qui ne le sont pas franchement, une femme fatale... L'histoire est racontée avec style par Carver himself : "Ma vie est devenue post-ironique. C'est quand il y a trop d'ironie dans tout ce qu'on fait et que le tout s'effondre sur lui-même. Ca n'a plus rien de drôle, même pour ceux qui pratiquent l'humour noir". A travers son personnage principal, désabusé et aux abois, Brubaker nous emballe par son écriture et sa faculté à dérouler un récit prenant, tendu, riche en rebondissements.
Dark néo-noir
Brutal et sensuel. Son compère Sean Phillips a le style parfait pour mettre en images ce comic book néo-noir. Un dessin réaliste, tout en force, dans lequel le noir domine, donnant à chaque case un aspect inquiétant. Des cases que l'artiste a le don de faire défiler en rompant avec l'ordre horizontal habituel, pour créer la tension ou accélérer l'action. Ses planches sont ainsi composées d'inserts de toutes tailles. Un découpage original et hautement cinématographique qui captive (capture) le lecteur.
Sleeper est le spin-off de Point Blank, une série en cinq numéros réalisée par Brubaker et Colin Wilson, dont le dessin est plus proche de la BD franco-belge. Elle figure également dans cet imposant recueil (440 pages !). Cette histoire est intéressante car elle constitue un préquel mais surtout parce qu'on y voit le scénariste s'essayer au genre noir, avec là encore un anti-héros poissard qui se raconte. C'est d'ailleurs moins réussi que Sleeper car trop bavard à mon goût. Et c'est justement ce qui est intéressant : découvrir comment un auteur parvient à peaufiner sa démarche, en se débarrassant du superflu. Ce premier tome se conclut sur une vingtaine de pages réunissant couvertures, croquis, recherches visuelles, ébauches de mise en page. Inutile de préciser que le tome 2 est hautement attendu.
Anderton
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