A lire : Nul besoin d'être un affreux révolutionnaire pour s'emporter contre l'indécence des revenus amassés par les 2700 milliardaires qui vivent parmi, enfin au-dessus de nous. Et pas nécessaire d'adhérer à un mouvement trotskyste pour déplorer que ces happy few n'utilisent jamais leur immense fortune pour régler les maux qui ravagent notre planète. Les super riches ont même eu l'idée de créer une île flottante réservée à leur club et préservée des conflits et catastrophes en tous genres. C'est en tout cas le pitch de Billionaire Island, une BD aussi drôle que mordante, publiée par Urban Comics.
La crise du climat et l'agitation sociale font de la Terre un endroit instable. La qualité de vie des milliardaires en est même impactée. D'où l'idée, lancée par quelques-uns d'entre eux, de créer une île artificielle, qui se déplace en permanence dans les eaux internationales, un havre de paix et de sécurité réservé à ceux dont le compte en banque affiche un solde créditeur à dix chiffres minimum. La belle vie, loin de la populace ingrate et vulgaire. Deux non membres se retrouvent pourtant dans ce sanctuaire exclusif : une journaliste trop curieuse et un ancien soldat décidé à se débarrasser de tous ces gros pleins de fric.
Mark Russell a l'humour corrosif. En attestent Prez ou Wonder Twins. Il s'en donne à nouveau à coeur joie pour pourfendre ces moguls hors sol (et pas seulement parce qu'ils vivent sur une île flottante), aussi radins que cyniques. Pendant que le monde s'effondre, en grande partie du fait de leurs business nocifs, les milliardaires surveillent leurs cours de bourse au bord d'une piscine, en mangeant des mets à base d'espèces en voie de disparition. Le scénariste charge à peine le trait. Tout juste pousse-t-il un peu le bouchon, avec une férocité jubilatoire. On rit avec lui de la méchanceté, de l'avidité et de la bêtise des magnats du pétrole ou de la Big Tech. Au cours du récit, on rencontre des clones d'Elon Musk, de Donald Trump ou d'Harvey Weinstein. On reconnaît également Kevin Spacey et Louis C.K. Le grand cirque des ego. Ils semblent intouchables, au-dessus des lois, hors de toute morale. Et pourtant...
Ce récit complet qu'on dévore d'une traite (lisez les premières pages) est mis en images par Steve Pugh (Harley Quinn Breaking Glass). Son trait expressif ajoute une couche de dérision tout en rendant crédible ce ghetto pour privilégiés. On en redemande, et ça tombe bien, le duo a publié Outre-Atlantique un second volume. En attendant, régalez-vous avec ce bon album dont l'acquisition ne vous obligera pas à faire un prêt à la banque.
Anderton
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