Avec Dillinger (1973), que Rimini Editions sort en combo Blu-ray et DVD, John Milius s'attaque à un mythe de l'histoire américaine. Ni Robin des Bois, ni bandit au grand coeur, le gangster écuma le Middle West avec sa bande dans les années 1930, laissant une traînée de sang dans son sillage. Sans occulter la violence de l'ennemi public numéro un, Milius met en avant son charme et son panache dans un film doux-amer, sous l'influence de John Ford.
Un film qui aurait pu s'appeler Dillinger vs Purvis, Melvin Purvis étant l'agent du FBI qui, avec ses G-Men, a traqué sans merci le gang de criminels. Car Milius raconte les destins de ces deux hommes nés trop tard, dans une Amérique aseptisée, alors qu'ils étaient l'un comme l'autre animés par l'esprit des cowboys. Ce sont deux aventuriers qui ont troqué le cheval pour la Ford A, et le colt six-coups pour le pistolet-mitrailleur Thompson avec son chargeur "camembert". Dillinger braque pour le plaisir de s'affranchir des règles de la société, pour le "beau" geste, serais-je tenté de dire. Anar et beau parleur à l'ego démesuré, il dévalise les banques et moque les institutions, épargnant les petites gens mais abattant sans scrupules tout porteur de badge.
Purvis, lui, incarne l'ordre qu'il tient à faire respecter autant qu'il veut venger la mort de ses collègues tombés sous les balles du bandit. Hoover lui a donné carte blanche. Il s'entoure d'agents fédéraux sapés comme des mafieux, qui utilisent les mêmes flingues et les mêmes voitures que les criminels. Leurs méthodes sont tout aussi impitoyables.
Lorsque Milius filme Dillinger et sa bande, l'ambiance est joyeuse, insouciante, même face à la mort - celle qu'ils donnent ou celle qui les attend. A l'inverse, les séquences mettant en scène Purvis sont chargées d'inquiétude. Le spectateur est amené à se demander qui est le héros dans cette histoire. Comédie dramatique d'action, Dillinger ? Il y a de cela. Ce qui lie ces trois genres, c'est une mélancolie qui enveloppe les personnages et les amène à fendre l'armure. Alors l'émotion surgit, la poésie aussi sur les belles images de Jules Brenner. Le retour de Dillinger auprès de sa famille est inspiré par le cinéma de John Ford. Milius filme avec simplicité la joie simple des retrouvailles et le déchirement des adieux.
Deux seconds rôles interprètent les personnages de premier plan, Warren Oates (Dillinger) et Ben Johnson (Purvis). Ils ont d'ailleurs partagé l'affiche de La Horde Sauvage (The Wild Horse, Sam Peckinpah, 1969). Personnellement, j'ai trouvé qu'ils faisaient le job, montrant même qu'ils étaient plus que des gueules enfermées dans les mêmes rôles. Peut-être qu'Oates n'a pas tout à fait le physique et le charisme du gangster, mais il les compense en affichant les fêlures du criminel au point de nous toucher dans quelques scènes fortes. Egalement au générique, d'autres "gueules" célèbres du cinéma américain : Harry Dean Stanton, Geoffrey Lewis et Steve Kanaly (Dallas). On retrouve également Richard Dreyfuss, qui interprète un vrai psychopathe, Michelle Phillips et Cloris Leachman, que j'ai découverte et adorée chez Mel Brooks dans des rôles de virago.
Outre un livret, beaucoup de bonus accompagnent le film. Mes préférés sont les entretiens avec les critiques et spécialistes Samuel Blumenfeld, Olivier Père et Jacques Demange, qui présentent le film et l'oeuvre de son réalisateur avec force analyses et anecdotes toutes plus passionnantes les unes que les autres. Avec Dillinger, John Milius signe un film doux-amer, aussi brutal que tendre, sur les derniers aventuriers d'une Amérique sauvage aujourd'hui en voie de disparition. Soleil couchant, fondu au noir.
Anderton
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