samedi 30 septembre 2023

Comics - Poison Ivy dévoile sa vraie nature

Poison Ivy t1 Urban Comics BD CINEBLOGYWOOD

Souvent dans le camp des super-vilains, parfois dans celui des héros, Poison Ivy est à l'image des plantes sur lesquelles elle exerce son pouvoir : à la fois belle et létale, généreuse et envahissante. Dans Cycle vertueux, le tome 1 de la première série qui lui est consacrée, elle apparaît dans toute son ambiguïté.


Un avant-propos permet de resituer le contexte, même si l'on entre facilement dans le récit : Poison Ivy a quitté Harley Quinn, sa compagne, la seule qui pouvait calmer sa rage, pour parcourir les Etats-Unis dans un van. Pas de road trip touristique : la jeune femme a décidé d'éradiquer l'humanité qui ne cesse de malmener la planète. Au cours de son trajet, elle propage un champignon parasite qui "provoque un état de douce euphorie avant que la mort s'empare de son hôte". S'il est facile de contaminer des chasseurs ou des hommes trop entreprenants, Pamela Isley rencontre également quelques belles âmes qui la font parfois douter. D'autant qu'elle ne peut s'empêcher de penser à sa chère Harley et qu'elle est poursuivie par une créature végétale. Est-ce un cauchemar ou la réalité ? Est-ce elle-même qui a créé ce monstre fait d'herbe, d'épines et de mousse ? Et voici que Batman lui apparaît bientôt en vision...

La scénariste G. Willow Wilson ne cherche pas à faire de Poison Ivy un personnage sympathique. Au contraire, elle aborde toutes ses contradictions. Elle veut sauver la Terre mais en éradiquant une espèce ; elle s'avère insensible au genre humain mais ne peut s'empêcher de se prendre (s'éprendre) d'affection pour des individualités attachantes, surtout des femmes.

Les hommes n'ont pas le beau rôle. Ils tuent ou agressent, violentent la nature et les femmes. Insupportable pour Poison Ivy, qui se débarrasse d'une engeance abjecte d'un simple toucher ou d'un souffle. Ils étouffent alors dans un sourire, leurs corps implosant sous la poussée d'une flore bubonique. Voici les sauvages rendus à la terre qu'ils ont malmenée. 

Troublante radicalité

Bien sûr que le récit de G. Willow Wilson est engagé. Ce qui ne signifie pas qu'il est caricatural. La scénariste met en lumière des situations où des mâles se transforment en prédateurs. A leur oppression, Poison Ivy oppose une libération, radicale certes mais on constate les outrages infligés à la nature ainsi que l'aliénation des employés d'une entreprise qui travaille pour un géant du commerce en ligne. Autant de situations, de comportements insupportables. Le lecteur n'a pas de mal à prendre parti pour l'héroïne qui s'érige en justicière implacable. Mais sa radicalité trouble, le sort qu'elle fait subir à ceux qui croisent sa route répulse. Belle réussite de l'auteure, qui nous interpelle, nous amène à nous questionner moralement, provoque en nous un malaise.

Le dessin de Marcio Takara est magnifique : limpidité du trait, grand sens du détail, expressivité des visages, le tout mis en page avec efficacité (découvrez un extrait). Dani et Brian Level pour quelques segments apportent aussi leur talent, sans dénoter avec le style de Takara. Trois coloristes font de ce premier tome une splendeur. Urban Comics complète cet album de BD par un récit signé Neil Gaiman et Mark Buckingham et par une galerie de couvertures alternatives qu'on dévore du regard. 

Voici l'éclosion d'une belle saga.

Anderton


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