Les éditions Delcourt publient deux bons comics qui, dans des genres très différents, mettent en scène des jeunes femmes armées d'un flingue et bien décidées à s'en servir : Descente aux enfers, le 5e tome de la série Reckless, signée Ed Brubaker et Sean Phillips ; et Lodger, de David et Maria Lapham. Embarquez pour deux road trips noirs et rouges sang.
Reckless Descente aux enfers - Ed Brubaker et Sean Phillips
En 1989, un violent tremblement de terre secoue San Francisco. Traumatisée, Rachel peine à s'en remettre et quitte brutalement son compagnon Joe. Le père de ce dernier demande à Ethan, détective privé, de la retrouver. Au cours de son enquête, il découvre le secret que cachait Rachel et que le séisme a fait remonter à la surface de sa psyché. Plus qu'une fuite, il s'agit d'une traque que mène la jeune femme. Ethan n'a qu'à remonter la piste des cadavres.
Cela fait un bail que Brubaker et Phillips se sont associés pour pondre des albums de BD noirs et violents, habités par des durs à cuire et des femmes fatales, tels Sleeper, Incognito, Fatale ou encore Criminal. Le duo puise son inspiration dans les hard-boiled et thrillers qui ont fait les beaux jours (ou les nuits sombres) des librairies et des cinémas. Avec ses faux airs de Robert Redford et de Brad Pitt, Ethan est un private atypique, qui vit dans un motel au bord du Pacifique pour pouvoir assouvir sa passion : le surf. Avec sa partenaire Anna, il gère également un vieux cinéma à Los Angeles. Et mène quelques enquêtes donc. C'est un faux calme, Ethan. Une colère sourde le ronge, qui ne demande qu'à exploser en violence rageuse. Tant pis pour celui qui en fait les frais.
Pour ce 5e tome (découvrez les premières pages), qui peut se lire sans avoir lu les quatre précédents, Brubaker propose un récit prenant, qui plonge au coeur de la dégueulasserie en Californie, de Sausalito aux bleds paumés de l'intérieur des terres. Stations service au coeur du désert, bars louches, motels miteux, forêt de séquoias... Phillips nous éblouit par sa manière d'instaurer des ambiances qui collent à chaque lieu comme la sueur au dos. Idem pour la personnalité des personnages, qu'expriment des expressions tout en finesse mais dont la force cueille le lecteur. Son dessin, somptueusement mis en couleurs par son fils Jacob (Newburn), va à l'essentiel, sa narration graphique bénéficie de la même fausse simplicité. Cet album conclut une première époque mais dans une postface, Ed Brubaker nous rassure : Reckless reprendra après une courte pause.
Lodger - David et Maria Lapham
Le couple Lapham est également une référence en matière de polars graphiques. Lodger met en scène une jeune femme armée d'un gun baptisé Golddigger. L'approche est radicalement différente. Le dessin est parfaitement lisible alors que l'intrigue déroute, avec ces flashbacks, ces personnages qui se ressemblent mais qui semblent si différents. Et cette voix off qui contrairement à celle dans Reckless, se pose sur des actions a priori sans lien. Au fur et à mesure que le lecteur avance, parfois un peu dérouté, dans le récit, l'intrigue se dévoile progressivement, à l'occasion de scènes qui éclairent les pages précédentes jusqu'à ce que la lumière se fasse pleinement.
On se fait encore surprendre jusqu'au final, et on a envie de relire illico l'album pour mieux en savourer la complexe mécanique (découvrez les premières planches). J'ai parlé de dessin lisible, il est aussi un peu crade dans la pure tradition de la BD indépendante américaine. Mais je n'ai pas parlé de l'histoire. Il est question d'une jeune femme décidée à se venger, d'un jeune homme manipulateur, d'accès de violence, de meurtres, d'une histoire d'amour. Qui finit mal.
Anderton
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