C'est l'histoire d'un cinéaste débordant de créativité, bipolaire, parano. C'est un peu beaucoup l'histoire de Michel Gondry qui se raconte dans Le Livre des solutions, désormais disponible en vidéo chez The Jokers. Un film touchant qui doit beaucoup aux interprétations de ses comédiens, au premier rang desquels Pierre Niney.
Quand ses producteurs et distributeurs demandent à Marc de retravailler son long-métrage, le cinéaste pète un câble. Ou une bobine. Bref, il prend le large, avec son film, sa monteuse, son assistante. Direction : les Cévennes, chez sa tata où il compte bien finir son oeuvre à sa façon et sans la pression des financiers. Marc déborde d'idées, qu'il a du mal à canaliser. Alors il décide d'écrire un livre des solutions, le guide ultime à tous ses problèmes. Et il ne manque ni des unes ni des autres. Car Marc est un artiste total, rongé par des troubles psychologiques. Rien ne va assez vite, personne ne le comprend, tout le monde veut freiner sa créativité. Sa tante Denise fait tout pour le calmer mais Marc a décidé d'arrêter de prendre ses médicaments.
Michel Gondry nous propose une réjouissante et touchante autofiction. Il ne cache pas le fait que Marc est son alter ego à l'ego aussi démesuré que l'esprit créatif. Gondry ne cherche pas à atténuer l'égoïsme de son personnage, ni même ses accès de méchanceté. Il le/se montre sans fard mais parvient ainsi à décrire les tourments d'un homme rongé par son art, assailli par ses troubles. Pierre Niney a tout compris, qui lui non plus ne cherche pas le beau rôle. Il trouve le ton juste pour révéler toute la complexité de Marc, qui peut passer de la générosité à la mesquinerie en quelques minutes. Ses colères et ses caprices insupportent mais ses trouvailles géniales nous emballent, sa souffrance nous touche. On partage l'attachement et le ras-le-bol de ses collaborateurs, on admire la patience de sa tante.
A travers le rôle de Charlotte, la monteuse, Blanche Gardin oppose à l'hyperactivité de Marc un bon sens terrien : la comédienne excelle à faire passer une forme de compréhension bienveillante et teintée d'agacement et de fermeté. Françoise Lebrun campe pour sa part une formidable tata, aimante, patiente, capable de faire entendre raison à son neveu artiste. Quant à Frankie Wallach, elle joue une collaboratrice prête à accepter les incessantes demandes de son boss, tiraillée qu'elle est, entre admiration et crainte. On est content que Vincent Elbaz soit de l'aventure : lui qui a souvent interprété des personnages un peu fous se retrouve dans le costume d'un agent très sérieux. Et puis, tiens, il y a aussi Sting qui fait une apparition.
Gondry réussit ses coups
Cette belle troupe apporte de la vie à un film qui n'en manque pas. Coups d'éclat, coups de génie, coups de gueule, coups de blues se succèdent, sous le regard tendre mais cru de Michel Gondry. Son inventivité est intacte ; même si elle est moins exubérante, elle apporte une touche de poésie à ce Livre des solutions, présenté à La Quinzaine des cinéastes 2023. Un film autant sur la maladie que sur la condition d'artiste. Dans une belle scène, Marc s'improvise chef d'orchestre. On craint le pire mais, malgré une méthode non conventionnelle, la magie opère. Beaucoup d'autres trouvailles, parfois toutes simples, disent la complexité d'un être qui peine à trouver le repos.
En bonus de cette édition vidéo, le cinéaste revient sur la production du film, le choix des comédiens, la manière dont il a puisé dans sa vie en exagérant souvent le trait. Il explique aussi pourquoi il réfute être un virtuose du bricolage, démontrant, exemples à l'appui, pourquoi ses inventions visuelles ou techniques servaient le récit de ses films ou apportaient une solution concrète à un problème de mise en scène, de budget, de timing... Les génies sont incompris.
Anderton
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