vendredi 21 juin 2024

The Bikeriders : à la recherche du paradis perdu

The Bikeriders Jeff Nichols CINEBLOGYWOOD

Sept ans ! Sept ans sans nouvelles de Jeff Nichols, un des cinéastes les plus prometteurs de sa génération, qui de Shotgun stories à Loving, en passant par Mud, nous avait bouleversés par sa petite musique et son sillon, généreux et humaniste, qui le plaçait dans la lignée des Coppola ou Malick de son temps. Après plusieurs projets avortés, il revient en force avec The Bikeriders, élégiaque western mécanique doublé d’une belle tranche d’Americana, qui lui permet de se remettre en selle. Avec fracas !


Réinvention dramaturgique 

Pour son sixième film, Jeff Nichols nous plonge nous plonge au cœur de la communauté des motards pour ausculter une culture avec ses codes et traditions. Inspiré par un livre de photographies de Danny Lyon publié en 1968, découvert chez son frère – par ailleurs compositeur attitré de ses films - au cours des années 2000, The Bikeriders n’a rien d’un remake de L’Equipée sauvage ou Easy rider – pourtant littéralement cités dans le film. Outre sa volonté de dépasser les clichés liés à cette communauté, Nichols réinvente complètement sa dramaturgie. En se basant sur les photographies et les interviews menées par Danny Lyon, il parvient à insuffler une dynamique fictionnelle, à la fois audacieuse et impressionniste, structurée autour d’un récit en voix off féminine, se déployant sur trois époques clés de la vie du groupe de motards (des années 60 au milieu des années 70), et d’un trio amoureux principal.

Direction côte Est

Plutôt cantonné jusque-là à la géographie de son Sud profond américain natal, Nichols nous emmène côte Est, du côté de l’Arkansas, pour nous narrer l’évolution du club de motards, le Vandals club, conçu au départ comme un repère de marginaux rebelles à la société de consommation des années 60 et qui chemin faisant, le Vietnam et la violence – terrible scène de fête aux relents de Charles Manson - passant par-là, se transforme peu à peu en un véritable gang au fonctionnement mafieux. L’histoire se concentre sur la rivalité amoureuse qui oppose et relie les deux principales figures du clan, son chef, Johnny (Tom Hardy), et un de ses sbires charismatique en diable, mais rebelle à toute prise de responsabilité, Benny (Austin Butler). Entre les deux, s’interpose Kathy (Jodie Comer), amoureuse de ce dernier, et rivale du premier, narratrice de l’ensemble du récit.

Sous influence Scorsese et Coppola

Si la narration en voix off rappelle par bien des aspects celle des Affranchis de Scorsese, on retrouve dans The Bikeriders tout ce qui fait le prix du cinéma de Jeff Nichols : l’élégance de sa mise en scène ; l’attention portée aux moindres rôles – à cet égard, chaque membre du gang a son moment, notamment Michael Shannon, acteur fétiche du réalisateur, qui en cinq minutes parvient à donner chair et consistance à une silhouette de second plan ; la musique, omniprésente dans sa première moitié, puisée dans les standards rock des années 60, avant de se faire plus rare, alors qu’une forme de tristesse, voire de nostalgie, s’empare de cette évocation d’un monde perdu. Sans oublier la qualité et la beauté de la lumière d’Adam Stone, toujours discrète, mais d’une sensibilité à fleur de peau, à l’image de la scène nocturne entre Tom Hardy et Austin Butler, moment de passage de flambeau avorté, filmée comme une scène de séduction, sublimée par les tonalités ocres et dorées, qui évoquent la lumière de Gordon Willis du Parrain, de Coppola – cinéaste auquel on songe par bien des aspects, par ses références à Outsiders et Rusty James, notamment. 

Casting iconique

Enfin, le casting, impeccable, donne chair à cette chronique nostalgique d’un paradis perdu : Tom Hardy, en chef de gang, incontestable, peu à peu ravagé par la tristesse à mesure qu’évolue son gang ; Austin Butler, iconique à souhait, dans un rôle mutique de solitaire rebelle ; enfin, Jodie Comer, à l’énergie débordante, seul point fixe romantique et romanesque dans cet univers masculin et mythologique sur le point de basculer dans la violence et la déchéance. 

Travis Bickle


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