mardi 8 octobre 2019

Joker : 7 raisons de se précipiter en salle

En salle (le 9 octobre) : Les commentaires dithyrambiques que vous avez lus sur Joker sont justes. Le film de Todd Phillips, porté par un Joaquin Phoenix exceptionnel, est un choc cinématographique, dont on sort sonné. Et souriant. Pour au moins 7 raisons. Garantie sans spoilers.



1) Un film qui change la donne
Joker raconte l'origine de l'ennemi juré de Batman. Sauf qu'ici, il n'est pas question de super-pouvoirs, ni de gadgets extraordinaires. Todd Phillips a réalisé un film de super-héros... sans super-héros, ni super-vilains. Warner, qui n'a pas encore trouvé la recette pour mettre en place un DCU capable de rivaliser avec le MCU du concurrent Marvel, a décidé de prendre des risques. Résultat : un film pour adultes optant pour une approche réaliste. Brutale. Sans concessions. Dérangeante. Et qui s'autorise même des pointes d'humour inattendues. Très fort.


2) Joaquin Phoenix au sommet
Joaquin Phoenix incarne Arthur Fleck. Atteint de problèmes psychologiques, Fleck se grime en clown pour obtenir des petits jobs mal payés en attendant de réaliser son rêve : faire du stand-up. Moqué, méprisé, agressé, il bascule dans la folie. Maigre à faire peur, parfois touchant et même drôle, souvent terrifiant, Joaquin Phoenix livre une prestation impressionnante. Il passe du rire (glaçant !) aux larmes, de la candeur à la rage en quelques secondes, quand il ne fait pas cohabiter au même moment ces émotions contraires. Nous voici hypnotisés, à la fois admiratifs et épouvantés. Du très grand art.

3) La maestria de Todd Phillips
Improbable parcours que celui de Todd Phillips. Après s'être fait la main sur quelques teen movies, il signe coup sur coup deux excellentes comédies - Very Bad Trip (The Hangover, 2019) et Date Limite (Due Date, 2010) - qu'il filme comme des thrillers, accordant beaucoup de soin à la mise en scène et à la photographie. Evolution en 2016 avec War Dogs, plus ambitieux dans le propos mais avec la même démarche artistique. En dix longs-métrages et moins de vingt ans, Todd Phillips a ainsi peaufiné son style et atteint une maturité dans le savoir-faire qui explose dans Joker. Sans tomber dans le baroque grandiloquent, il propose une mise en scène réfléchie et terriblement efficace, sobre et en même temps porteuse d'un souffle qui transporte le spectateur. Sans jamais oublier ses personnages. Todd Phillips confirme d'ailleurs qu'il est un excellent directeur d'acteurs. Il offre ainsi à Robert DeNiro un rôle qui lui permet de briller à nouveau, après de longues années à enchaîner des prestations parfois indignes de son talent. Très bons également, Zazie Beetz (la voisine), Frances Conroy (la mère), Brett Cullen (Thomas Wayne), Brian Tyree Henry (l'employé des archives à l'hôpital) et Marc Maron (le producteur du show).

4) L'hommage au Nouvel Hollywood
Dès le logo qui ouvre le film, Todd Phillips annonce la couleur : Joker est conçu comme un film du début des années 1980. Le Gotham crasseux et glauque qu'il dépeint ressemble au New York de Taxi Driver et de Mean Streets. Un hommage assumé à Martin Scorsese, avec une autre référence à La Valse des pantins. Au-delà de ce tribut, Phillips signe un film radical qui rappelle les oeuvres les plus fortes du Nouvel Hollywood.

5) Une toile de fond très actuelle
La situation de l'Amérique des années 1980 dépeinte dans le film fait écho à celle de nos sociétés actuelles. Dans un contexte explosif, où les inégalités conduisent à la pauvreté et à la violence, l'Etat n'assure plus ses missions et les millionnaires se lancent dans la politique tandis que le peuple se sent abandonné, humilié, opprimé. Todd Phillips ne délivre aucun message politique appuyé, il braque le projecteur sur un état de fait qui permet de mieux comprendre la psychologie et les agissements des personnages. Evidemment, cette vision implacable donne déjà lieu dans les médias et sur les réseaux sociaux à des commentaires et des récupérations, offusquant les bien-pensants, alimentant les discours des irresponsables. Ils n'ont rien compris.

6) La bande-son entêtante
L'ambiance pesante de Joker tient aussi beaucoup à la partition de Hildur Guðnadóttir, à qui l'on doit les bandes originales de Sicario 2 et de la série Chernobyl. Sur des rythmes entêtants, qui semblent sortis d'une cérémonie tribale et se mêlent au tic toc d'une horloge, la compositrice islandaise déroule une mélopée de cordes, ponctuée de grincements sinistres. Ce score flippant est interrompu par des classiques du rock ou de la pop qui, pour le coup, vous resteront dans la tête mais no spoilers.



7) Le respect de l'univers Batman
Si Joker ne s'inscrit pas à proprement dit dans un univers super-héroïque, il ne fait pas pour autant table rase de la saga Batman. De nombreux sites pointent d'ailleurs les Easter Eggs semés tout au long du film. Le récit culte The Killing Joke, d'Alan Moore et Brian Bolland, est une inspiration évidente. Todd Phillips propose une relecture du mythe qui oscille entre le respect, l'impertinence et le dynamitage. Et le fan de comics y trouve son compte.

Vous l'avez compris, j'ai adoré Joker. Le film est aussi dérangeant que jouissif, haletant de bout en bout. C'est une expérience de cinéma marquante, qui vous accompagne bien après le générique de fin, des jours et des jours durant. La dernière fois que j'avais ressenti des émotions certes différentes mais tout aussi intenses, c'était pour Mad Max Fury Road

Anderton

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