dimanche 20 octobre 2019

Los Silencios : le réalisme magique à l'écran

En DVD : Présenté à La Quinzaine des réalisateurs, au Festival de Cannes 2019, Los Silencios transporte le spectateur au coeur de l'Amérique latine, où une famille de réfugiés tente de reprendre une vie normale dans un environnement qui révèle peu à peu son étrangeté. Le film déroutant et émouvant de Beatriz Seigner est désormais disponible en DVD chez Pyramide Vidéo. 



Un film déroutant car tout semble réaliste sur l'île de Fantasia, dont pourtant le nom suscite d'emblée le questionnement. Au milieu d'un fleuve et au carrefour de trois pays - le Brésil, la Colombie et le Pérou -, ce territoire planté de maisons sur pilotis attire les convoitises d'un promoteur immobilier : son extra-territorialité rend possible la construction d'un casino qui échapperait aux lois, règlements et taxes des trois pays voisins. Mais la communauté soudée qui y vit s'oppose au projet, préférant continuer à vivre de la pêche ou de l'agriculture, à l'écart du fracas du monde. 

Ce sont d'ailleurs les combats entre la guérilla et les autorités colombiennes qui ont poussé Amparo et ses enfants, Nuria et Fabio, à venir se réfugier sur Fantasia, chez une aïeule. La mère de famille se démène pour réorganiser sa vie : inscrire ses enfants à l'école (mais il faut leur acheter un uniforme), trouver un travail, demander des aides et engager les recherches pour retrouver son mari et sa fille, disparus lors d'un affrontement dans leur village, en Colombie. Il faut également surveiller le turbulent Fabio et prendre soin de Nuria, calme et mutique. C'est alors que le mari d'Amparo, lui aussi silencieux, réapparaît dans la maison.


Beatriz Seigner refuse tout misérabilisme. Dans un style naturaliste, qui fait la part belle aux plans fixes et longs, la réalisatrice brésilienne donne à voir une réalité très contrastée : la vie paisible à Fantasia et le sort tragique de la famille d'Amparo. Une mère (Marleyda Soto) qui se bat avec détermination et débrouillardise, ne baissant jamais les bras face aux difficultés et aux injustices. Nous voici, spectateurs, confrontés au drame des réfugiés, sans assister à des cris, ni des pleurs ou d'effusion de sang. La dignité d'Amparo nous touche, tout comme le regard de ses enfants et particulièrement celui de Nuria (Maria Paula Tabares Peña), qui dégage une infinie tristesse.


Une atmosphère qui n'a rien de plombant, d'autant que l'on apprend que l'île est habité par des esprits. Des fantômes que certains habitants peuvent voir, et avec lesquels ils communiquent. Le mystère s'épaissit. Beatriz Seigner nous envoûte et nous plonge par petites touches dans ce réalisme magique, chers aux écrivains Jorge Amado et Gabriel Garcia Marquez. Jusqu'à une révélation finale qui nous cueille et un dernier plan qui nous bouleverse.

Anderton

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