A lire : Le basilic pour moi, c'est le goût de l'été. Le soleil, la méditerranée, l'Italie... Dans son album de BD intitulé Basilico, publié chez Ankama, l'artiste italien Giulio Macaione prend à contre-courant ces petits plaisirs associés à la savoureuse plante pour développer un drame familial au coeur de la Sicile.
Maria Morreale, la narratrice, raconte cette histoire... depuis son cercueil. Elle vient de mourir et quelques proches et surtout, ses cinq enfants sont venus se recueillir devant sa dépouille. Il y a Giovanni le prof effacé, Agata l'artiste peintre qui ne vend pas de toiles, Diego Maria qui vit aux crochets de ses amants, Rosalia l'infirmière mariée à un médecin et Santo le journaliste voyageur. Tous pleurent leur mère qui leur a pourtant donné une éducation stricte, n'épargnant ni les piques, ni les leçons de morale, jusqu'à la veille de son décès. Le lecteur comprend que le père a été absent très tôt sans en connaître tout de suite la raison.
Secrets de famille
Giulio Macaione remonte alors le fil des événements et, au-delà, d'une vie, à travers des chapitres qui suivent une double échelle de temps. Il y a d'abord l'histoire d'amour entre Maria et Pietro, leur mariage, l'arrivée d'une femme de ménage mauricienne avec laquelle Maria va échanger des confidences. Le basilic servira alors à bien plus qu'aromatiser des plats. Et puis il y a les chapitres consacrés à chacun des enfants, dont on découvre le parcours et les relations tumultueuses avec la mamma jusqu'à la journée de son décès, coup de tonnerre dans un horizon aux nuages menaçants. Tons sépia pour la storia di Maria, noir et blanc rehaussé de gris pour le reste de l'album.
Nous découvrons une famille qui, derrière les apparences imposées par la morale et la religion, révèle progressivement ses dysfonctionnements, ses failles, ses blessures. Macaione prend le soin de mettre en scène des personnages avec un vécu et une épaisseur psychologique qui les rend crédibles. Ces tranches de vie ne ralentissent en rien le récit principal ; au contraire, elles l'alimentent, accentuant le mystère pressenti dès les premières pages et dont la révélation finale incite à revoir complètement les opinions que l'on s'était faites sur chacun.
Saveurs siciliennes
L'auteur nous plonge également au coeur de Palerme, dont au découvre au détour des planches les monuments baroques, les imposantes bâtisses et leurs intérieurs cossus, de même que les marchés pleins de vie. Natif de la capitale sicilienne, Macaione rend compte à la fois de sa modernité et de la pesanteur des traditions, porteuses parfois de préjugés. Il ponctue d'ailleurs les propos des personnages de termes issus du sicilien, contribuant à ancrer son récit dans un lieu qui devient un personnage à part entière. Autre belle idée de l'auteur : proposer des recettes de cuisine, locale ou non, dans lesquelles le basilic apporte son bouquet frais et puissant : caponata, couscous alla trapanese, parmigiana di melanzane... Des plats qui sont ceux que confectionnait Maria pour ses enfants.
Un marque-page ensemencé qui, une fois planté et arrosé, se transformera en bouquet de basilic. |
Dans un style graphique qui associe BD européenne et influence manga, Giulio Macaione signe un album original et prenant, à l'implacable conclusion. Le basilic n'aura plus jamais le même goût.
Anderton
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