lundi 27 juillet 2020

La Bataille pour Anzio : un atypique film de guerre

En DVD et Blu-ray : Rimini Editions continue son beau travail de mise en valeur de films parfois oubliés. C'est le cas avec La Bataille pour Anzio (1968) d'Edward Dmytryk, avec Robert Mitchum et Peter Falk. Initiative d'autant plus louable que le film n'avait jamais été édité en Blu-ray et qu'il mérite d'être (re)découvert.



"Anzio". Dans ma lointaine jeunesse (pas de commentaire, merci), la première fois que j'ai entendu parler de cette ville italienne et des combats qui s'y sont déroulés, c'était dans la bouche de Jerry Lewis. Dans Ya Ya Mon Général (Ja Ja Mein General!But Which Way To The Front?, 1970), il incarnait un milliardaire réformé qui décidait de fonder son propre commando pour aller combattre les nazis en Europe. Alors qu'il demandait par téléphone où accoster son yacht dans un endroit calme et sûr, il répétait le nom de la ville donné par son interlocuteur. "Anzio". S'en suivaient des images d'archives montrant une plage sur laquelle s'abattait un déluge d'obus. Sinon la tentative d'assassinat d'Hitler donnait lieu à une scène plus détendue que celle de Walkyrie (2008).


Back to Anzio. Bloquées en Italie, les forces alliées décident de lancer l'Opération Shingle en janvier 1944. Un débarquement est prévu sur la plage de cette petite ville située au sud de Rome et donnant sur la mer Tyrrhénienne. Les troupes rencontrent peu de résistance. Imaginant un piège des Allemands, le général américain en charge de l'opération décide de temporiser plutôt que de filer vers la capitale italienne. La Wehrmacht, emmenée par le général Kesselring, en profite alors pour se réorganiser et soumet les positions alliées à un pilonnage massif. Voilà en résumé les faits historiques, expliqués de manière très claire par l'historien Laurent Henninger (qui fut mon prof en prépa Sciences Po - tout le monde s'en fout mais je tenais à le signaler) dans un bon bonus proposé par Rimini.

Approche atypique

La Bataille pour Anzio s'avère atypique à plus d'un titre. D'abord, on s'attend à un film de guerre hollywoodien. S'il en reprend beaucoup de codes, dans les séquences de combat et le format (Technicolor, Panavision), c'est une production largement italienne, signée Dino de Laurentiis. Certes, le film est coréalisé par Edward Dmytryk (Ouragan sur le Caine) et le cast principal est américain mais la plupart des postes "techniques" sont occupés par des Italiens : photo, musique, scénario... l'un des coscénaristes, Duilio Coletti, est d'ailleurs coréalisateur. Atypique donc, tout comme l'ouverture du film : on y voit Robert Mitchum pénétrer dans un magnifique palais napolitain sur l'air d'une ballade complètement décalée par rapport au sujet, This world is yours, chantée par le crooner Jack Jones !



Après avoir emprunté plus d'un escalier de marbre et arpenté de grandes salles magnifiquement décorées, le personnage incarné par Mitchum débarque au milieu d'une orgie au cours de laquelle un GI se balance à un immense lustre tandis que ses camarades enivrés le bombardent de nourriture et de boîtes de conserve. L'alcool coule à flot, y compris sur le parquet. Des prostituées passent de bras en bouche, avant qu'une bagarre générale éclate. Une étonnante représentation des libérateurs : les "barbares" ne font pas le salut nazi, ils mâchent du chewing-gum. L'histoire et la culture européennes laissent les soldats américains de marbre (si j'ose dire), un propos semblable à celui d'Un Château en enfer.



Oubliez Il faut sauver le soldat Ryan ou Le Jour le plus long : le film fait quasiment l'impasse sur les bombardements, préférant se concentrer sur l'aventure d'une poignée de GI's ayant percé les lignes ennemies et tentant d'échapper aux Allemands. Ce ne sont pas des héros mais un groupe hétéroclite réunissant un journaliste de guerre (Robert Mitchum), un soldat des forces spéciales qui défie toute autorité (Peter Falk) et des militaires un peu paumés qui tentent de survivre en zone hostile. Mitchum est évidemment au summum du cool - pour éviter une rafale de mitraillette, il plonge dans une tranchée, cigarette au bec ! - mais n'en reste pas à sa fameuse nonchalance : il apporte de la densité à son personnage, qui est confronté à un dilemme moral. La plume ou l'épée ? Falk incarne avec conviction un type ténébreux et tourmenté, ravagé par la guerre. A leurs côtés, quelques visages (re)connus : ceux d'Earl Holliman, Robert Ryan, Wolfgang Preiss, Reni Santoni (vu un peu partout et notamment dans Seinfeld) mais aussi de Venantino Venantini (avouons-le, pas très crédible en officier américain) et Giancarlo Giannini (crédible en soldat italo-américain).


Les amateurs de film de guerre y trouveront leur compte : les séquences d'action sont réussies, qu'il s'agisse de combats explosifs, d'affrontements sous tension (face à des snipers) ou de situation pleines de suspense (la traversée d'un champ de mines, le refuge dans une maison bientôt occupée par des Allemands). Et ceux qui veulent aller plus loin seront servis : le film est traversé par des moments d'humour mais aussi de mélancolie et de désespoir. Chose rare, on voit même un général américain qui dévoile ses questionnements, se plante et se fait limoger, laissant paraître son amertume. Le personnage incarné par Mitchum apporte quant à lui une vision clinique de la guerre, dont il démontre l'incroyable absurdité. Autant de raisons de ne pas louper cette belle édition vidéo.

Anderton

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