dimanche 5 juillet 2020

Point Limite : un thriller tendu dans l'ombre de Docteur Folamour

En Blu-ray et DVD : Eclipsé par Docteur Folamour lors de sa sortie en 1964, Point Limite (Fail Safe) aborde comme le film de Stanley Kubrick l'absurdité de la guerre froide et surtout, le péril que fait peser l'arme nucléaire sur nos existences. Rimini Editions propose le long-métrage de Sidney Lumet, avec Henry Fonda et Walter Matthau, dans une belle version, complétée par des bonus passionnants.



Une escadrille de bombardiers américains s'envole dans la nuit avec pour mission de larguer des bombes nucléaires sur Moscou. Un énième exercice pour tester la capacité de l'US Air Force ? Pas du tout : un incident technique a provoqué la transmission d'un ordre aux conséquences apocalyptiques. Problème : les procédures obligent les pilotes à ne tenir compte d'aucune nouvelle communication ou contre-ordre. Alors que les autorités soviétiques se mettent en état d'alerte maximum, le gouvernement américain tente par tous les moyens d'arrêter l'attaque.


Ah, Lumet le feu atomique

Pour son huitième long-métrage, Sidney Lumet élabore un thriller intelligent qui distille une tension allant crescendo : son acmé donne lieu à un final marquant, dont l'impact n'a pas pas été émoussé par le passage du temps. Certes, les plus jeunes spectateurs n'ont pas connu l'angoisse de la guerre froide, quand le moindre conflit local, la plus petite escarmouche frontalière provoquaient des disputes diplomatiques entre les USA et l'URSS, laissant planer la menace de représailles militaires et l'envoi de quelques mégatonnes de noyaux atomiques prêts pour la fission ou la fusion. Une épée de Damoclès permanente au-dessus de nos têtes. Une menace qu'Antonin Baudry a brillamment remis au goût du jour avec Le Chant du loup (2018), qui apparaît rétrospectivement comme une variation de Point Limite.

Le film de Lumet est conçu comme un huis-clos étouffant. Après quelques "respirations" au début du récit, le spectateur est confiné dans quatre lieux oppressants, au sein desquels se débattent les protagonistes : les pilotes dans le cockpit de leur appareil ; le général et son équipe dans la base d'où sont partis les bombardiers ; l'état-major et les experts autour du secrétaire de la Défense dans la salle de crise à Washington ; le président et un traducteur dans une petite pièce de la Maison-Blanche d'où il peut s'entretenir avec son homologue soviétique.

L'art du casting

Depuis Douze hommes en colère (12 Angry Men, 1957), on connaît le savoir-faire de Sidney Lumet pour mettre en scène des personnages qui débattent, doutent, pensent, s'affrontent même. Et ce, tout en captivant le public. Parce qu'il propose une mise en scène pleine de sens, à l'opposé de toute esbroufe - un "style invisible" que détaille Jean-Baptiste Thoret dans un entretien en bonus. Mais aussi parce que Lumet sait faire jaillir le meilleur de ses comédiens. Henry Fonda est parfait en président américain (il en a la stature morale et physique) tandis que, dans un contre emploi, Walter Matthau étonne en expert cynique. On croise également Larry Hagman (le futur JR de Dallas), qui fait alors étonnamment penser à Tom Hanks, et qui excelle dans le rôle pas simple du traducteur. Autres solides comédiens : Fred Overton, Dan O'Herlihy et Ed Binns. A noter la présence également de Dom DeLuise, dont on se souvient davantage dans les comédies de Mel Brooks.

Invisible, le style Lumet. Peut-être mais les plans du film marquent durablement votre rétine. Le sujet comme le choix du noir et blanc (superbe photo contrastée de Gerald Hirschfeld, qui a éclairé plus tard Frankenstein Junior) font évidemment penser à Docteur Folamour. On apprend que Kubrick a tout fait pour mettre des bâtons dans les roues de Lumet, la Columbia décidant finalement de sortir le film de Sidney neuf mois après celui de Stanley. Pour autant, l'approche de chaque cinéaste est radicalement différente. L'US Air Force n'a pas été non plus coopérative pour mettre des images à disposition de Lumet mais celui-ci s'en est tiré avec beaucoup d'ingéniosité. En 2000, Stephen Frears en a réalisé un remake pour la TV américaine, avec un casting 5 étoiles : George Clooney, Richard Dreyfuss, Noah Wyle, Brian Dennehy, Sam Elliott, James Cromwell, Don Cheadle et Harvey Keitel.



Je ne sais pas ce que vaut ce remake mais je sais que la version vidéo du film est magnifique. Et Rimini Editions prolonge le plaisir du cinéphile, en proposant plusieurs suppléments de grande qualité. Une belle découverte en ce qui me concerne. 

Anderton



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