En salles : Les affiches m'avaient alléché, le teaser bien fait marrer. Autant dire que mes attentes étaient élevées pour Tout simplement noir. Parce que le sujet. Parce que ce casting de malade. Ben, je dois dire que Jean-Pascal Zadi et John Wax, les coréalisateurs, m'ont comblé. Pour au moins 4 raisons.
1) Une comédie très drôle et sans concessions
Jipé (Jean-Pascal Zadi) s'est fait remarquer sur les réseaux sociaux avec ses vidéos provoc sur la condition des noirs en France et notre passé colonial. Bien décidé à grimper dans l'échelle du buzz, il décide d'organiser une marche réservée aux hommes noirs le 27 avril, date de la journée commémorant l'abolition de l'esclavage. Accompagné d'un "intermittent" derrière une caméra, Jipé fait jouer son (petit) réseau et son (grand) bagout pour tenter de rallier derrière lui des personnalités qui comptent dans la communauté noire. Lilian Thuram, Fary, Claudia Tagbo, Fabrice Eboué, Joeystarr, Lucien Jean-Baptiste, Soprano, Eric Judor et bien d'autres sont approchés et affichent leur soutien à cette initiative inédite. Par conviction pour beaucoup, et calcul pour certains. Problème : Jipé est une grande gueule qui a le don de se mettre à dos tous ceux qu'il croise.
Si on se marre de bon coeur, c'est d'abord parce que la caméra, braquée en permanence sur Jipé, met en avant le fossé qui sépare son discours afro-centriste pur et dur de sa réalité familiale (son épouse est blanche), le gouffre entre les convictions qu'il martèle face caméra en mode black panther et ses hésitations de petit chaton devant les contre arguments de son entourage. Si on se marre aussi, c'est parce qu'on sent qu'après avoir remporté une adhésion, il va tout faire foirer dans la seconde qui suit en balançant une réflexion incroyablement débile. Et on n'est jamais déçu.
2) Un casting en or
Jean-Pascal Zadi révèle au grand public - en tout cas, à celui qui le découvre - l'étendue de son talent. Talent comique évidemment. Ses regards caméra, tantôt débordant de confiance, tantôt complètement paumés, emportent à chaque fois le spectateur dans un grand éclat de rire. Mais au-delà des attitudes et des vannes, le comédien parvient à nous émouvoir en une micro-seconde, sans en faire des tonnes. A ses côtés, Caroline Anglade est parfaite dans le rôle de l'épouse compréhensive qui supporte (dans tous les sens du terme) son mari. Fary, quant à lui, n'a pas le beau rôle : il apparaît comme un artiste cynique et peu sympathique. C'est tout à son honneur d'avoir accepté de se moquer à ce point de lui. L'autodérision est d'ailleurs partagée par tous les comédiens, qui accentuent leurs travers pour notre plus grand plaisir. Au-delà des sus-cités, on croise Ramzy Bedia, Jonathan Cohen, Ahmed Sylla, Stéfi Celma mais aussi, petite satisfaction personnelle, Doudou Masta (entre Timide et sans complexe et Tout simplement noir, Zadi prouve qu'il connaît son rap old school) et la grande Juliette Fievet (Légendes urbaines sur RFI/France 24).
3) Une comédie maline et intelligente
Zadi et Wax auraient pu en rester aux mésaventures d'un sympathique loser qui enchaîne les gaffes mais chaque fois que Jipé fait une rencontre, il devient le révélateur malgré lui des questionnements qui fusent non seulement au sein de la communauté noire, mais aussi de la société française. Et voilà que le film nous montre des personnes qui débattent - et parfois se battent ! - pour définir leur identité et leur place dans la collectivité. Qu'est-ce que ça veut dire : "être noir ?" Qu'est-ce qui rapproche une personne d'origine africaine d'un Antillais ? Et comment se positionne un métis ?
Pour Jipé, un noir se définit par "ses cheveux crépus, sa peau d'ébène et ses ancêtres esclaves". Vikash Dhorasoo, croisé à une soirée, n'en est donc pas un (en plus, il a souvent ciré le banc, lui fait remarquer Jipé) mais, comme le demande Joeystarr, où doit-il se placer, lui l'Antillais, fils à la fois de l'esclave et de son maître ?
La question de l'identité est le fil conducteur de l'excellent scénario signé Jean-Pascal Zadi et Kamel Guemra. L'identité dont on se revendique, l'identité dont on veut se défaire, l'identité dont on est affublé par autrui. Le fameux regard des autres, avec tous les préjugés qu'il trimbale... Comme lors de ces terribles castings au cours desquels des Blancs (dont un Mathieu Kassovitz qui prend son pied à jouer une caricature de lui-même) expliquent à Jipé ce qu'est être noir ou lui demandent d'incarner une caricature du "black de banlieue". Noirs, Blancs, Arabes, juifs, chrétiens, musulmans, hommes, femmes... tout le monde en prend pour son grade. Zadi au premier rang, qui s'en prend littéralement plein les dents.
4) Un film humaniste
Vous l'avez compris, derrière les vannes, on ressent l'envie des réalisateurs : que nous apprenions à mieux nous connaître pour mieux nous comprendre. On pourrait appeler ça le vivre ensemble si l'expression n'était pas aussi galvaudée. Zadi nous fait rire à gorge déployée pour nous ouvrir les yeux. Et ce qu'on retient du film, c'est qu'au-delà de la couleur de peau (qui n'est jamais occultée ou minimisée), il y a des individualités. Des gens sympas, des cons, des racistes, des gens ouverts. Bref, des gens qui ne se résument pas à leur épiderme ("Je suis journaliste", doit répéter à plusieurs reprises Kareen Guiock à Jipé qui la définit comme une "journaliste noire").
Le film évoque aussi le racisme, l'homophobie et les violences policières, notamment lors de deux séquences en début de film et à la fin. Lors de la première arrestation, Jipé cherche le buzz ; lors de la seconde, il est juste une victime. Un moment fort pour le personnage autant que pour le public. Comme dans les meilleurs sketchs de Sacha Baron Cohen, le spectateur rit de bon coeur avant de se rendre compte qu'il est lui aussi interpellé sur ses propres convictions et préjugés. C'est d'autant bien fait que Zadi et Wax n'oublient jamais qu'ils signent une comédie, ils ne se posent jamais en donneurs de leçons. Ils pourfendent les postures et les impostures, sans chercher à exclure. Et après nous avoir bien fait marrer, ils nous cueillent avec un final émouvant. Tout simplement fort.
4) Un film humaniste
Vous l'avez compris, derrière les vannes, on ressent l'envie des réalisateurs : que nous apprenions à mieux nous connaître pour mieux nous comprendre. On pourrait appeler ça le vivre ensemble si l'expression n'était pas aussi galvaudée. Zadi nous fait rire à gorge déployée pour nous ouvrir les yeux. Et ce qu'on retient du film, c'est qu'au-delà de la couleur de peau (qui n'est jamais occultée ou minimisée), il y a des individualités. Des gens sympas, des cons, des racistes, des gens ouverts. Bref, des gens qui ne se résument pas à leur épiderme ("Je suis journaliste", doit répéter à plusieurs reprises Kareen Guiock à Jipé qui la définit comme une "journaliste noire").
Le film évoque aussi le racisme, l'homophobie et les violences policières, notamment lors de deux séquences en début de film et à la fin. Lors de la première arrestation, Jipé cherche le buzz ; lors de la seconde, il est juste une victime. Un moment fort pour le personnage autant que pour le public. Comme dans les meilleurs sketchs de Sacha Baron Cohen, le spectateur rit de bon coeur avant de se rendre compte qu'il est lui aussi interpellé sur ses propres convictions et préjugés. C'est d'autant bien fait que Zadi et Wax n'oublient jamais qu'ils signent une comédie, ils ne se posent jamais en donneurs de leçons. Ils pourfendent les postures et les impostures, sans chercher à exclure. Et après nous avoir bien fait marrer, ils nous cueillent avec un final émouvant. Tout simplement fort.
Anderton
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