Artistes : Finesse des dialogues, précision diabolique des scénarios, beauté et sensualité des actrices, sens aigu du cadrage, admirable choix des décors, génie du lieu : au-delà du caractère parfois un poil trop littéraire des intrigues sentimentales, Eric Rohmer qui vient de décéder à 89 ans apparaît comme un véritable auteur, créateur d’un univers reconnaissable entre tous.
Avec des caractéristiques qui l’apparentent à une sorte de Woody Allen à la française : régularité de sa production, comédiens fétiches, découvreur de nouveaux talents, sens de l’humour et de l’ironie, références littéraires assumées (Pascal, Marivaux…), dominante de films contemporains intemporels truffée d’intrusions perçantes dans l’Histoire. La preuve par 13 !
- La Collectionneuse (1967) : pour redécouvrir les joies de l’ennui dans le Saint-Trop’ d’avant Eddie Barclay. Avec la pulpeuse Haidée Politoff, et la sœur de Brigitte Bardot, Mijou.
- Ma nuit chez Maud (1969) : chef-d’œuvre pascalien auvergnat. Jean-Louis Trintignant partagé entre la blonde Marie-Christine Barrault et la brune Françoise Fabian – on le comprend…
- Le Genou de Claire (1970) : ou le Lac d’Annecy érotisé par le charme d’Aurora Cornu – quel nom ! – et de Béatrice Romand. Et Jean-Claude Brialy.
- Perceval le Gallois (1978) : le Moyen-Age reconstitué dans du carton-pâte, et déclamé par Fabrice Lucchini. Faut aimer…
- Le Beau mariage (1982) : le moins connu de la série Comédie et proverbes. A redécouvrir dare-dare, pour André Dussolier et Béatrice Romand.
- Pauline à la plage (1983) : Arielle Dombasle-Pascal Greggory-Simon de la Brosse-Fedor Atkine en Normandie : sans commentaires ! Le plus solaire, et le plus triste des Rohmer.
- Les Nuits de la pleine lune (1984) : Marne la Vallée-Boffil-Fabrice Lucchini envoûtent la regrettée Pascale Ogier habillée par Dorothée Bis, dans son plus beau rôle. Musique d’Elli & Jacno. Cultissime : le film eighties par excellence !. 350 000 entrées à Paris – le hit de Rohmer
- Le Rayon Vert (1986) : un été à Biarritz. Lion d’Or à Venise. 1er film pré-diffusé par Canal Plus avant même sa sortie en salles.
- L’Amie de mon amie (1987) : Cergy-Pontoise comme jamais vu, le bellâtre François-Eric Gendron, la charnelle Emmanuelle Chaulet.
- L’Arbre, le maire et la médiathèque (1993) : Rohmer, chroniqueur politique de la débâcle socialiste aux régionales de 1992. Avec le trio infernal Pascal Greggory-Arielle Dombasle-Fabrice Lucchini.
- Conte d’été (1995) : portrait de l’artiste Rohmer en Melvil Poupaud joueur de guitare, en pleine hésitation sentimentale. Son meilleur film ?
- L’Anglaise et le Duc (2001) : une vision décalée de la Révolution française, qui valut une sérieuse polémique au cinéaste. Caméra numérique et décors composés de tableaux originaux peints à l’huile. Une véritable expérience cinématographique, digne du trip expérimental d’Antonioni, Le Mystère Oberwald.
- Les Amours d’Astrée et Céladon (2006) : le conte de fées pastoral de d’Urfé, l’ultime film du cinéaste. Un pied de nez à la vieillesse, une ode à la jeunesse éternelle. Outre Jocelyn Quivrin, on y retrouve la sublime Cécile Cassel, et de charmantes donzelles…
Bref, de quoi vérifier l’influence majeure d’un cinéaste trop souvent et trop facilement caricaturé – hein, Marcel Martial !!. Et de constater dans le même temps en quoi cet héritier prolifique des moralistes des Lumières demeure un auteur rare et novateur dans un paysage cinématographique français gagné par le merchandising et la facilité. Et dont les films constituent avec le temps de précieux témoignages sociologiques sur la société française.
Travis Bickle