mardi 27 mars 2018

Ready Player One (1/2) : game over ?


Ready Player One ne fait pas l'unanimité à la rédaction de Cineblogywood : Anderton a adoré (lire sa chronique Ready Player One - Spielberg top of the game) alors que Travis Bickle a été déçu. Joueur 1, première manche...

En salles (le 28 mars) : "Ready Player One, c'est la claque !", "Spielberg est toujours le boss !". Vraiment ? Réalisé par celui qui nous avait émerveillés avec ses requins, ses extra-terrestres, ses héros archéologues, ses dinosaures ou ses enfants perdus dans le monde des adultes ? Scénario simpliste, lumière affreuse, clichés à la pelle... Certes, à 71 ans, Steven Spielberg en a encore sous le pied. Mais là où un George Miller parvenait à rebooter et transcender sa mythologie pour livrer un Mad Max 4 d’anthologie, Spielberg patine et déçoit comme jamais depuis Amistad et Hook. Et livre un des pires films de sa carrière. Game over ?



Interminable course poursuite

2045. Vaste déchetterie à ciel ouvert, le monde est devenu un taudis, dans lequel s’empilent de très nombreux mobile homes les uns sur les autres. Pour tromper son ennui, l’humanité chausse des lunettes virtuelles pour rejoindre l’Oasis, vastes espace virtuel dans lequel s’affrontent nos avatars numériques. Halliday, son créateur, bricoleur génial un brin autiste décédé depuis quelque temps, y a caché 3 clés permettant de décrocher le gros lot. Commence alors une gigantesque course poursuite de 140 minutes, interminable et répétitive, truffée de clins d’œil et de références aux années 80, dont, à quelques exceptions près, on a du mal à y reconnaître la signature de Spielberg.

Acteurs en roue libre

Tout d’abord, c’est bien la première fois que des acteurs chez Spielberg sont aussi mal dirigés. Mark Rylance, pourtant génial et ambigu à souhait dans Le Pont des Espions, se ridiculise plus d’une fois, dans le rôle de Halliday ; Ben Mendelssohn, dont on sait qu’il peut être maléfique et malfaisant (Animal Kingdom), joue un méchant de pacotille ; enfin, le prodige Tye Sheridan, déjà vu chez Terrence Malick et Jeff Nichols, brille par son jeu fade et sans saveur. Touche geek, la présence de Simon Pegg n’arrange rien. Un comble pour un réalisateur dont on connaît les prédilections pour tirer le meilleur de ses acteurs, notamment les enfants, pour composer de mémorables figures du mal et d’attachants personnages de déclassés... On aura beau y voir des autoportraits de Spielberg à différentes périodes de son existence, rien n’y fait, on ne parvient pas une seule fois à s’intéresser à ces personnages sans relief.

Pauvreté visuelle

Depuis maintenant plus de 20 ans, Steven Spielberg s’est attaché les services de Janusz Kaminski à la lumière. Au point de devenir véritablement co-auteur des films signés par le réalisateur de La Liste de Schindler – souvenez-vous des tonalités crépusculaires de Lincoln ou des éclats pop de Arrête-moi si tu peux pour mesurer l’étendue du talent du bonhomme. Mais que s’est-il passé ? Terne, moche, sans relief, l’univers virtuel que nous livrent Spielberg et Kaminski est d’une pauvreté visuelle indécente de la part de ceux qui nous proposaient Minority Report il y a 20 ans ! 

Medley plutôt qu’hommage aux années 80

Ersatz de Gandalf, voire du père Fouras, vade-mecum qui mixe dans un même mouvement la DeLorean de Retour vers le futur, les formules magiques empruntées à Excalibur, les clins d’œil lourdingues à John Hugues, les silhouettes de King Kong, Alien ou Godzilla, RPO, en raison de la laideur de son univers graphique, tient plus du medley que de la révolution visuelle. A l’instar d’une BO sans originalité qui aligne, au mieux, les titres les plus éculés des années 80 – Jump, de Van Halen, en ouverture, au secours ! Everybody wants to rule the world, des Tears for fears, encore ?! Et même l’inusable Stayin alive, des Bee Gees en boîte de nuit, mais pourquoi ?!

Scénario simpliste et régressif

Enfin, et c’est là le pompon, Spielberg nous offre un discours totalement régressif : "Il n’y a rien de plus réel que la réalité"... Pour s’achever sur l’éloge de la dichotomie entre réel et virtuel : passons deux jours par semaine à jouer, et le reste du temps à batifoler et rire entre potes... Comme si le virtuel ne faisait pas partie de la réalité ! Un simplisme de la pensée qui met en rogne de la part du cinéaste qu’on sait capable de filmer les sinuosités et les complexités du réel, que l’on pense aux univers paranoïaques de Munich et de Minority Report, par exemple. La faute à un scénario assez faible, mal écrit, simpliste, signé Zak Penn, responsable du Hulk de Louis Leterrier, c’est dire...

Spielberg dans le jeu à deux reprises, seulement

Ne parvenant à créer aucun univers sonore ou visuel profondément original, en s’appuyant sur un scénario d’un simplisme qui laisse pantois, Spielberg semble dépassé. Alors, certes, au moins deux scènes retiennent l’attention – une course-poursuite virtuelle époustouflante,  un hommage immersif et jouissif à Shining – mais c’est vraiment bien peu de la part de celui qui aurait pu poser les jalons de la SF des années 2010, comme il l’avait fait en son temps avec Rencontres du 3e type, ET ou Minority Report. Dommage, Steven...

Travis Bickle

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