En DVD et Blu-ray : Réalisé par John Frankenheimer et interprété par Burt Lancaster, Le Prisonnier d'Alcatraz (Birdman of Alcatraz, 1962) fait partie de ces films que j'ai toujours voulu mais jamais pu voir. La faute à pas de chance. Et bien, après toutes ces années d'attente, me voilà récompensé grâce à Wild Side, qui sort le film dans un magnifique coffret collector comprenant le Blu-ray, le DVD ainsi qu'un ouvrage consacré à l'oeuvre.
Robert Stroud est un assassin. Il a tué un homme qui s'en prenait à une femme. Incarcéré, ce taiseux rétif à toute forme d'autorité est capable de coups de sang. Comme celui qui l'amène à poignarder un gardien. Un crime qui lui vaut l'échafaud. Mais sa mère se démène, obtient une grâce présidentielle. La sentence est commuée en prison à vie, en quartier d'isolement. Et c'est alors qu'un miracle se produit : lors d'une promenade dans la cour de la prison, Stroud recueille un oisillon tombé du nid. Rapidement, il se prend de passion pour les oiseaux.
Inspiré d'une histoire vraie, Le Prisonnier d'Alcatraz est un film sur la rédemption. Il nous montre comment une brute épaisse peut changer, s'amender, s'élever. Et ce, pas grâce à la prison, mais malgré elle. Car le film montre bien, sans s'appesantir sur des mauvais traitements, comment le système judiciaire et carcéral brise et rabaisse ceux qu'il entend "ré-éduquer". Comment attendre d'un homme qu'il se comporte comme tel dès lors qu'il est ramené au rang d'une bête maintenue en cage ?
Le bon, le Burt et le truand
Stroud refuse de se plier aux injonctions du directeur de prison. Pas par esprit de rébellion mais parce qu'il tient à garder sa liberté et sa dignité. Il fallait toute la force de Burt Lancaster pour rendre compte de la complexité du personnage et de son évolution. L'acteur mise sur sa carrure imposante et son regard tranchant pour camper un type odieux et violent. Mais dont on sent déjà que c'est le sentiment d'injustice qui alimente sa rage. Et puis, progressivement, Lancaster semble détendre les muscles, il se voûte, son visage s'illumine, bientôt fendu par ce qui commence à ressembler à un sourire. Voici qu'il campe un homme changé, qui ouvre davantage son coeur (émouvant échange avec son gardien, joué par Neville Brand) mais aussi son esprit. Seul l'immense talent de l'acteur pouvait rendre sympathique celui qui, au départ, n'était qu'un criminel sans remord. C'est l'une de ses meilleures interprétations récompensées par le Grand Prix à la Mostra de Venise en 1962. A noter d'ailleurs dans des rôles de prisonniers : Telly Savalas et Len Lesser (le futur Oncle Leo de Seinfeld !).
L'autre pilier du film, c'est John Frankenheimer. Il parvient à mouvoir sa caméra au sein de cellules minuscules et sombres pour nous en faire ressentir l'atmosphère oppressante, choisit des angles qui font ressortir l'architecture déshumanisée des pénitenciers. Jeu de la lumière et des ombres (superbe noir et blanc signé du directeur de la photo Burnett Guffey), qui vire parfois à l'expressionnisme. Dans cet environnement restreint, Frankenheimer parvient à donner du mouvement à sa mise en scène.
Le Prisonnier d'Alcatraz est un film sur la libération. Stroud se libère de sa prison physique et mentale, de l'emprise de sa mère (Thelma Ritter), de l'autoritarisme du directeur de la prison (Karl Malden) ; Frankenheimer se libère des décors étouffants (conçus "en dur", comme de vraies cellules) ; le spectateur se libère de ses préjugés. Un beau et grand film, qui porte un message fort.
Cette belle édition de Wild Side (une de plus !) est complété par un bonus vidéo (l'interview d'un caméraman) et d'un livre passionnant dans lequel Doug Headline (Starfix forever !) revient sur le tournage chaotique (Frankenheimer remplace le premier réalisateur, qui a été viré, mais doit composer avec un Lancaster coproducteur et très impliqué). Il évoque également la vie du vrai Robert Stroud et du mouvement de sympathie que son histoire a suscité - même si le bonhomme était resté un vrai sale type. Encore un coffret indispensable.
Anderton
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