mardi 23 avril 2019

Pupille : l'humanité dans les yeux

En DVD et Blu-ray : Il y a deux types de feel good movies. Ceux dont c'est l'objectif avéré : on les voit venir de loin, on va même les voir pour ça et on plonge avec délectation dans leur bain de bons sentiments. Et puis il y a ceux qui ne cherchent pas à nous tirer des rires ou des larmes mais leur histoire et les personnages qui les habitent sont tellement forts qu'ils nous font passer par tout une série d'émotions, avant de nous laisser heureux, réconciliés avec le genre humain. Pupille fait partie de ceux-là. Le film de Jeanne Herry, avec Sandrine Kiberlain, Gilles Lellouche et Elodie Bouchez, est disponible en vidéo. L'occasion pour le spectateur de se (re)faire du bien.


Pupille, c'est l'histoire d'un enfant né sous X. Un bébé abandonné par sa mère et pris en charge par les services sociaux jusqu'à son adoption, quelques mois après sa naissance. La violence du sujet a de quoi rebuter les plus sensibles. Et comment ne pas l'être quand l'innocence incarnée se retrouve ainsi rejetée et livrée à la dureté du monde des adultes. Et puis, on pourrait aussi craindre un de ces films français qui, tout en dénonçant un fait de société, se repaît du drame et des vies brisées. Oubliez ces a priori et préjugés. Jeanne Herry aborde avec intelligence et délicatesse des questions graves - la naissance sous X, l'adoption, la parenté - dont elle illustre toute la complexité en s'intéressant à des personnes qui ont toutes une histoire, des fêlures, des espoirs. Elle nous fait partager leur quotidien et leur engagement, qui vient à bout des doutes et de l'abattement. Face à des situations qui pourraient les submerger, ces infirmières, éducatrices, assistant familial, assistantes sociales ne baissent jamais les bras : chacun écoute, dit les choses et regarde droit dans les yeux.


Comme elle l'explique dans le bon making of proposé par StudioCanal, Jeanne Herry filme la chaîne humaine qui permet de sauver un enfant privé de parent. Aucun militantisme dans sa démarche, et pourtant elle montre le travail souvent ingrat de gens que nous payons, nous les contribuables, et dont on se plaît parfois à railler l'incompétence ou la fainéantise. La réalisatrice ne cherche pas non plus à en faire des héros du quotidien ; elle porte sur ses personnages un regard bienveillant et plein d'empathie - comme celui qu'ils portent eux-mêmes aux personnes qu'ils prennent en charge - et surtout, elle en révèle l'humanité complexe. Avec en prime, beaucoup d'humour. Car si les larmes coulent parfois sur le visage du spectateur, elles finissent souvent leur course sur un grand sourire ou un rire franc. De même qu'elle ne se moque jamais, Jeanne Herry ne juge pas. C'est aussi la grande force du film. Sa mise en scène colle aux visages, et plus particulièrement aux regards des personnages. Leur parole est omniprésente mais la cinéaste sait filmer la dynamique des échanges pour en faire des scènes d'action. 

Pupille est également porté par une chaîne de comédiens, qui nous bouleversent par l'humanité qu'ils insufflent à leurs personnages. Sandrine Kiberlain incarne une éducatrice toujours positive, qui carbure aux bonbons. Elle la joue avec un naturel qui révèle une grande maîtrise de son art. Elle est géniale. Gilles Lellouche est l'assistant familial un peu cramé mais qui reprend du poil de la bête en accueillant ce bébé. Depuis quelques années, le comédien a enchaîné les prestations bluffantes devant ou derrière la caméra et il nous emporte une fois de plus avec ce rôle de costaud chaleureux et débordant d'amour. Quant à Elodie Bouchez, elle campe une femme fragile et lunaire qui s'accroche à son rêve d'adoption. Elle est bouleversante. Les trois têtes d'affiche sont entourées de partenaires formidables : Clothilde Mollet, avec sa diction si particulière, est hypnotisante tandis qu'Olivia Côte dégage une belle énergie. Il y a également la tendresse de Stéfi Celma, l'autorité bienveillante de Miou-Miou. On croise aussi Jean-François Stévenin, Bruno Podalydès, Grégory Gadebois, Leïla Muse, Anne Suarez (Guyane), Amaury de Crayencour (Le Bureau des légendes, Mon Inconnue) et Youssef Hadji. Ils sont tous justes. 

(R)ouvrez grand vos pupilles et réconciliez-vous avec l'humanité.

Anderton

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