Il est une prison en Corse où certains détenus bénéficient d'une semi-liberté. Son nom : Borgo. C'est aussi le titre du film de Stéphane Demoustier, désormais disponible en vidéo. Librement inspiré d'une histoire vraie, il met en scène Hafsia Herzi dans le rôle d'une gardienne qui sympathise progressivement avec les hommes qu'elle doit surveiller. Un polar captivant.
Deux hommes sont froidement abattus à l'aéroport de Bastia. La police mène l'enquête. Surveillante en centre pénitentiaire, Melissa a demandé à être mutée en Corse pour tenter de bénéficier d'une meilleure qualité de vie. Si ses deux enfants apprécient ce changement, son compagnon Djibril a du mal à s'adapter à son nouvel environnement, d'autant que leur proche voisin est particulièrement agressif. A Borgo, où elle travaille, Melissa découvre un quartier de détention où les hommes sont très autonomes. Malgré quelques tensions, elle y retrouve Saveriu, un jeune Corse qu'elle avait sous sa surveillance dans une prison sur le continent. Il l'aide à se faire respecter des autres détenus et de son voisin. Bientôt, il lui demande quelques petits services. Puis les demandes se font plus pressantes.
L'affaire se corse
A partir d'un fait-divers dont il s'affranchit rapidement, Stéphane Demoustier signe un thriller captivant sur une île qui l'est tout autant. Tout en admettant ne pas connaître la Corse plus que ça, il parvient à saisir l'identité d'un territoire rebelle, rongé par la violence et le clanisme. Et ce, sans jamais tomber dans la caricature. Dans une approche réaliste, qui n'empêche pas aux images de dégager parfois une touche de poésie, le cinéaste brosse le portrait d'hommes qui, par engagement ou opportunisme (Demoustier ne cherche pas à l'expliquer), se retrouvent enfermés, aussi bien en prison que dans une culture de la violence. Pas de grand discours ni de morale, juste un regard acéré sur des scènes de vie éloquentes.
Au coeur de cette communauté qui montre les muscles et alterne silences lourds et éclats de voix menaçants, Melissa impose sa force tranquille. Elle résiste à la pression constante, tient tête et parfois plus que ça. Hafsia Herzi est parfaite, toute en détermination et en émotions contenues. Elle dégage une belle assurance qu'elle fait parfois vaciller le temps d'un regard. Elle rend son personnage crédible, de même que son basculement progressif vers une collaboration qu'elle sait interdite. Face à elle, le jeune comédien Louis Memmi fait montre de la même assurance, rendant Saveriu à la fois sympathique et inquiétant. Michel Fau campe un commissaire blasé, Pablo Pauly un enquêteur tenace, Moussa Mansaly un compagnon paumé et Florence Loiret Caille une directrice de prison pragmatique et sans états d'âme. Chacun est formidable, tout comme le reste du casting, composé de comédiens non professionnels débusqués en Corse.
Tradition polar
Demoustier ne s'est pas laissé enivrer par l'Ile de Beauté. Il refuse la facilité d'une bande originale ponctuée de chants traditionnels, préférant faire appel à Philippe Sarde. Son score fait mouche et ancre Borgo dans la grande famille du polar à la française. Un polar qui respecte les silences tendus et les coups de sang, un polar où la menace est diffuse, un polar qui agrippe le spectateur dès la première scène et ne le lâche qu'au générique de fin. Le Pacte intègre à son édition vidéo un entretien dans lequel le cinéaste revient sur le tournage du film, ses comédiens, ses choix artistiques ainsi qu'un bonus intéressant sur la séance d'enregistrement de la musique avec Philippe Sarde.
Anderton
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