mercredi 6 janvier 2010

Conversation secrète : autoportrait de Coppola en apprenti-sorcier



En salles : Coppola pour clore 2009 (précipitez-vous sur Tetro !), Coppola pour débuter 2010 : que demander de plus ?! Carlotta ressort en ce tout début d’année l’œuvre la plus méconnue du réalisateur d’Apocalypse Now, malgré sa Palme d’Or décrochée en 1974 : Conversation secrète.
Tourné entre les deux Parrains, Conversation secrète s’inscrit dans la veine intimiste du cinéaste, aux côtés des Gens de la pluie, Peggy Sue ou Jardins de pierre. En plein scandale du Watergate, le film dresse le portait d’Harry Caul – subtilement incarné par un Gene Hackman méconnaissable – un être hostile à toute forme de communication, réduit à sa fonction première : technicien du son, spécialiste des écoutes clandestines. Pris à son propre jeu, le film décrit sa lente descente aux enfers, qui s’achève sur un saisissant solo de saxo.
Un film qui se regarde autant qu’il s’écoute
Dans la lignée des Trois jours du Condor de Sydney Pollack ou de A cause d’un assassinat d’Alan J. Pakula, le film baigne dans l’atmosphère paranoïaque du Watergate. Il témoigne également du sens visionnaire de Francis Coppola qui nous mettait alors en garde contre l’omniprésence des techniques de surveillance dans nos vies privées. Au point de les réduire à une irréductible solitude. Un constat tragique, pour un film qu’il faut bien qualifier d’un poil désespérant !

Pour relater cette lente autodestruction, Coppola fait un film qui se regarde autant qu’il s’écoute. Autant dire un film quasiment expérimental, qui rappelle par moments les expérimentations plastiques et sonores d’Antonioni. Avec la complicité de son ingénieur du son Walter Murch, il compose une symphonie de sons souvent volontairement embrouillée, destinée à nous placer du strict point de vue du personnage principal, et à nous faire vivre sa solitude intrinsèque. Du grand art !
Une sorte d’autoportrait
Au-delà de la mise en garde qu’il nous livre, Coppola brosse là une sorte d’autoportrait. Derrière la passion de son anti-héros pour la technologie, comment ne pas y voir celle du cinéaste, alors féru de vidéo et désormais de 3D ? Comment ironiquement ne pas voir derrière le destin tragique de son personnage la destinée prémonitoire de ce réalisateur démiurge, privé d’autonomie artistique après l’échec public de son ambitieux et très cher Coup de cœur, intégralement tourné en vidéo et en studio ?
Bref, un film rare à redécouvrir, qui, tout en conservant sa part de mystère, constitue la matrice de l’œuvre d’un cinéaste à la fois fasciné et méfiant à l’égard de la technique. Et qui nous permet, nous, contemporains de Facebook et autres réseaux sociaux, de nous interroger sur notre rapport aux nouvelles technologies. Prophétique, vous avez dit prophétique ?
Travis Bickle


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