Sans Laisser de Traces : un thriller marquant

En salles : En général, les spectateurs que nous sommes aiment bien les héros qui s'en prennent plein la gueule. John McClane en est l'exemple typique. Dans un genre moins sanglant, Etienne Meunier est un type sur qui le destin semble s'acharner.

Interprété par Benoît Magimel, le personnage principal de Sans Laisser de Traces a pourtant tout pour être heureux. Marié à une splendide femme (Julie Gayet), il va bientôt prendre la tête d'une filiale européenne d'un gros groupe américain. Autant dire qu'il ne manque pas d'argent, ni de pouvoir. Et pourtant, l'homme traîne un secret depuis plusieurs années. Lorsqu'il était un jeune cadre dans sa boîte, il a volé un brevet à un chimiste et en a fait le produit miracle de son groupe. D'où son ascension fulgurante. Mais, rongé par la culpabilité, il décide de s'en ouvrir à un ancien camarade d'école, sur lequel il est tombé par hasard dans la rue : Patrick Chambon (François-Xavier Demaison). Ce dernier lui propose d'aller voir le chimiste en question pour le dédommager. L'entretien tourne mal et Patrick tue le chimiste. La Roue de l'infortune se met en mouvement.

Scénariste de comédies (Le Petit Nicolas, Molière, Prête-moi ta Main), Grégoire Vigneron signe pour sa première réalisation un thriller efficace. Le scénar, co-écrit avec son compère Laurent Tirard (le réal du Petit Nicolas), forme une mécanique parfaitement huilée, dans laquelle les coups du sort s'abattent sur un yuppie dépassé par les événements. Et c'est avec une certaine forme de sadisme que l'on assiste à la chute d'Etienne.

Sobre et implacable

Benoît Magimel, tout en sobriété, incarne à merveille ce dirigeant dont l'assurance s'effondre progressivement, pour laisser place au doute et à une fragilité insoupçonnée. Belle prestation également de François-Xavier Demaison, parfait en copain-boulet. Une sorte d'emmerdeur antipathique et inquiétant. Le reste du casting est à l'avenant : Léa Seydoux joue une Lolita, dont l'innocence n'est que de façade ; André Wilms (qui retrouve Magimel 23 ans après La Vie est un Long Fleuve Tranquille) est sublime en victime odieuse ; Julie Gayet parvient à donner consistance à son rôle de grande bourgeoise (é)perdue...

Pour rendre compte de cette mécanique implacable, la sobriété se retrouve aussi bien dans la mise en scène (pas d'effets de style mais un découpage chirurgical) que dans les décors - une ville déshumanisée, hérissée de tours de verre (Bruxelles). Grégoire Vigneron distille une tension qui va crescendo jusqu'à un final dont on taira, évidemment, le dénouement. Il parvient même à nous faire rire deux-trois fois sans casser le suspense qu'il a instauré.

Certes, le cinéaste aurait pu pousser ici et là sa logique d'(auto)destruction, noircir encore certaines situations ou certains personnages. Mais dans l'ensemble, on se laisse emporter par l'histoire, en se demandant si le gouffre dans lequel tombe Etienne a bel et bien un fond.

Découvrez sur Filmgeek le compte-rendu d'une rencontre entre Grégoire Vigneron et quelques blogueurs. Rencontre à laquelle nous n'avons malheureusement pas pu nous rendre. Merci quand même à Florian et Jérôme.

Anderton