samedi 11 mars 2017

Les Derniers Parisiens : 3 raisons d'y aller avant fermeture

En salles : Encore à l’affiche, et malheureusement plus pour longtemps (c’est quand même triste, bordel, le film n’est resté qu’une seule semaine au MK2 Bibliothèque, à Paris. Une semaine !), on peut aller voir Les Derniers Parisiens, le premier film de Hamé et Ekoué, les deux rappeurs de La Rumeur. On doit y aller, même : je vous donne ici au moins trois bonnes raisons de le faire.


1) Le duo/duel Slimane Dazi - Reda Kateb

Dans Un prophète, l’immense film de Jacques Audiard, on se rappelle évidemment des très grandes performances de Tahar Rahim et de Niels Arestrup, qui crevaient l’écran. Mais dans ce film, on découvrait aussi, pour moi, coup de foudre cinématographique, les gueules incroyables et le grand talent de deux acteurs qui occupent, chacun à sa manière, une place importante dans le cinéma d’aujourd’hui : Slimane Dazi et Reda Kateb. Des seconds rôles, certes, mais sûrement pas des rôles secondaires, et des scènes inoubliables (le gitan - Reda Kateb -, défoncé, en train de danser dans la prison, ou l’apparition de Brahim Lattrache - Slimane Dazi -, sur son Zéphir 750). Leur réunion, dans Les Derniers Parisiens, c’est la grosse réussite du film.
 
Un duo, ou plutôt un duel, d’ailleurs, tout en tensions fratricides. Dans leur relation, se jouent les différents conflits qui sont les sujets connexes du film : conflit géographique, entre les deux côtés du périph, Paris, et la banlieue ; conflit générationnel, aussi, entre les darons de cinquante piges, les aînés de la première génération d’immigrés, et les mecs plus jeunes, nés dans les années 70/80 ; conflit sociétal, enfin, entre ceux qui sont installés, rangés, intégrés, et ceux qui ont une soif inextinguible de succès. Cette relation conflictuelle monte en intensité tout au long du film, culmine dans une scène d’affrontement étouffante, pour se terminer, enfin sereine, dans une longue discussion dans un café de Pigalle, dans ce qui est sans doute la plus belle scène du film, tout en complicité. Brothers in arms. L’un comme l’autre, ils sont parfaits. Bravo, les gars.
 


2) Pigalle, derniers jours avant fermeture définitive

Hamé et Ekoué se sont rencontrés à Pigalle, qui est le berceau de leur groupe, La Rumeur. Les Derniers Parisiens, c’est une belle déclaration d’amour à ce Pigalle en voie de disparition, celui des voyous à l’ancienne, des sex-shops et des bars à tapins, qui sont, comme le regrette Nasser (Reda Kateb), remplacés par des clubs pour bobos et hipsters. Déclaration d’amour à ce quartier, donc, mais à ces habitants, aussi, ceux qui n’ont pas encore été chassés par la gentrification et la montée vertigineuse des prix du mètre carré, mais dont les jours sont comptés. Les Derniers Parisiens, ce sont eux, bien sûr !

3) Un message, et un hommage

 
La Rumeur a toujours été un groupe engagé, ce qui leur a d’ailleurs valu des bonnes grosses galères avec la justice, notamment quand Sarko était ministre de l’Intérieur, dont ils sont finalement sortis totalement blanchis. Cet engagement se retrouve évidemment dans le film, dans lequel ils délivrent aussi, l’air de rien, un message anti-communautariste et égalitaire (qu’importe ta communauté, si t’es mon poto, c’est ça qui compte et rien d’autre) qui peut sembler évident, mais qu’on a parfois tendance à oublier, dans le contexte actuel. Tâchons de nous en rappeler, le 23 avril.

Enfin, Les Derniers Parisiens rend également un hommage, sincère et touchant, à cette génération née dans les années soixante, dans les quartiers populaires. Une génération décimée par la came, par le sida, dont beaucoup sont passés par la case prison ou les HP. Arezki (Slimane Dazi), qui tombe sur une photo de son équipe de foot de gamins, fait ainsi ce triste constat : plus de la moitié sont cannés. A Gennevilliers, à Trappes ou à Nanterre, c’est partout la même histoire : rares sont ceux qui s’en sont sortis indemnes. Dans Les Derniers Parisiens, Hamé et Ekoué saluent, avec respect et amitié, cette génération de survivants, celle de leurs grands frères.
 
Fred Fenster
 

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