mardi 14 novembre 2017

Le Musée des merveilles : tourbillon émotionnel et cinéphilique

 

En salles (le 15 novembre) : Deux ans après Carol, coup de cœur absolu de Cannes 2015 qui avait valu à Rooney Mara un prix d’interprétation féminine (et étrangement rien à Cate Blanchett), le réalisateur américain Todd Haynes retrouve son actrice fétiche Julianne Moore (Safe, Loin du paradis) dans un drame onirique, véritable odyssée dédiée au cinéma et à l’enfance, au-delà des limites du temps et de l’espace, illustrée par ce précieux adage au centre du film : "Nous sommes tous dans le caniveau, mais on regarde quand même les étoiles". Véritable tourbillon émotionnel et cinéphilique, Le Musée des merveilles, présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2017, est une... merveille dont il convient d’ouvrir les portes.


Le pitch

Deux enfants atteints de surdité, Ben et Rose, cherchent à percer le mystère de leur origine à 50 ans de distance. Deux destinées, deux reconstitutions - les années 20 et 70 – avec pour cœur narratif, New York et son Museum d’histoire naturelle, antre du cabinet des curiosités où chacun des deux enfants trouvera la clé du mystère de leur origine.

Maestria narrative

Todd Haynes n’est pas la première personne à laquelle on pense spontanément pour réaliser un film avec des enfants. Sujets provocateurs, traitement sophistiqué et référentiel, goût pour la musique ont fait sa réputation – citons Velvet Goldmine, variation gay sur Citizen Kane avec pour cadre les années glam. Et pourtant, c’est justement le point fort de son nouveau film. En adaptant le roman graphique de Brian Selznick, auteur de Hugo Cabret, c’est l’occasion pour le réalisateur de faire preuve de sa maestria narrative : en retraçant les itinéraires parallèles de deux enfants sourds à 50 ans de distance, il établit des correspondances, des similitudes entre passé et présent, en s’appuyant sur sa science du montage. Ah, ce raccord sur ces deux mains qui caressent à 50 ans d’écart la même météorite !



Hommage au cinéma

Mieux : à l’instar de Martin Scorsese avec Hugo Cabret, il rend hommage au cinéma dont il reproduit les procédés et les genres. Noir et blanc, film muet, couleurs et musique des 70’s, quête initiatique, drame, film d’aventures, comédie, films d’animation, sa mise en scène est un véritable feu d’artifice visuel et esthétique. Qui vise à ausculter sa propre généalogie de cinéphile. Et constituer un véritable cabinet de curiosités enfantines. On y voit et entend, en vrac, Bob Dylan, David Bowie, la version disco de Ainsi parlait Zarathoustra, des Polaroïds, des exemplaires du best seller d’Alex Haley, Racines, des allusions au Vent de Sjöstrom et à Macadam Cowboy, de Schlesinger. Sans oublier une maquette gigantesque de New York, réalisée pour l’Exposition universelle de 1964. Il faut signaler à ce titre le fabuleux travail de reconstitution et de lumière, signés respectivement par Sandy Powell et Ed Lachman, qui contribuent largement à la réussite de l’ensemble.

Finesse sans pathos

Outre Julianne Moore, déjà récompensée à Cannes en 2014 pour Maps to the stars, et Michelle Williams, on retrouve dans le rôle des enfants le héros de Peter et Elliot le dragon, Oakes Fegley, et une débutante, sourde, à la tête de Shirley Temple, Millicent Simmonds. Rarement l’univers des sourds n’aura été restitué avec autant de finesse qu’ici – on est très loin du pathos des Enfants du silence. Petit bémol : malgré tant d’atouts, regrettons que Todd Haynes n’ait pas suffisamment fait confiance à son récit et à ses acteurs. Car il nappe la plupart des scènes d’une musique superflue, pourtant signée Carton Burwell.
 
Travis Bickle

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