A lire : A l'occasion de la réédition par Carlotta du livre d’entretiens avec Brian de Palma (dans un coffret comprenant 6 DVD), Laurent Vachaud, scénariste, critique à Positif et co-auteur du livre avec Samuel Blumenfeld, évoque les retrouvailles avec le cinéaste.
Cineblogywood : Comment se sont passées les retrouvailles avec Brian De Palma ?
Laurent Vachaud : On avait continué de le voir à chaque fois qu’il sortait un nouveau film. Et on organisait un entretien à chaque fois qu’il passait par la France. Donc, on avait des entretiens sur tous les films postérieurs à Mission to Mars. On a juste eu besoin de refaire deux jours d’entretiens via Skype pour remettre à jour certains éléments, ajouter des questions sur d’anciens films qu’on n’avait pas pu poser. Skype n’a mis aucune distance entre nous. Il s’est même montré encore plus disponible que lors de la précédente édition ! Sur ses quatre derniers films, il avait un recul qu’il n’avait pas précédemment. Il en parle de manière critique, reconnaissant ce qu’il y a de raté et réussi, sans aucune amertume. C’est un cinéaste extrêmement honnête : il nous a raconté des histoires dans lesquelles il n’avait pas forcément le beau rôle, il est capable d’analyser ce qui ne fonctionne pas dans certains de ses films, ce qui n’est pas souvent le cas de la part de cinéastes américains.
Il avait donc une très grande liberté de parole avec vous ?
Oui. Il n’y a eu aucune question à laquelle il ne souhaitait pas répondre. Il a accepté toutes les questions qu’on lui proposait, aussi bien sur sa vie familiale. Par moments, c’était quasi de la psychanalyse ! Il nous a raconté ses conflits oedipiens avec son père, sa mère. Il nous a appris des choses que ni Samuel ni moi ne connaissions. C’est pourquoi le livre donne un nouvel éclairage sur son œuvre. On a pu mesurer à quel point son œuvre était autobiographique, ce qu’on ne soupçonnait pas. On pensait qu’il ne fonctionnait qu’à partir des films des autres pour fournir des films personnels, Hitchcock, Antonioni. En fait, il y a dans la plupart de ses films quelque chose d’extrêmement personnel, par rapport aux personnages principaux, aux décors. Une anecdote personnelle sert souvent de déclencheur à l’écriture de son scénario. On l’a découvert au fil des conversations qu’on a eues avec lui.
Même pour les films postérieurs à Mission to Mars ?
Il a eu carte blanche totale pour Femme fatale, un film qui lui est très personnel. Passion, le remake de Crime d’amour d’Alain Corneau, est une commande qui lui a été proposée par le producteur Saïd ben Saïd. Il n’en est pas à l’initiative. Redacted lui a été proposé par un milliardaire qui se lançait dans la production qui souhaitait faire un film en HD pour 5 millions de dollars. Avant, exception faite de Scarface et Les Incorruptibles, c’est lui qui était à l’origine de ses films.
Ce qui explique sa distance et sa moindre implication artistique dans ses derniers films ?
Je ne pense pas qu’il y ait une moindre implication : il n’a plus le même âge. Quelque chose m’a frappé quand on l’a interrogé sur Passion. De Palma avait toujours une manière d’utiliser l’espace urbain. Il faisait toujours une très grande scène d’action autour de lieux architecturaux significatifs de la ville dans laquelle il tournait : Paris, dans Femme fatale ; Prague, dans Mission impossible ; Grand Central dans Carlito’s way, et c‘est vrai dans tous ses films américains. Or bien que tourné une ville étrangère, Berlin, il manquait à Passion cet aspect-là. Eh bien, De Palma était d’accord avec nous : il nous a expliqué qu’étant beaucoup plus vieux, il n’avait pas pu faire sur Passion ce qu’il avait fait dans ses autres films.
Dans ses derniers propos, à l’inverse de ses pairs, il se montre très critique envers la télévision et les séries...
Oui, mais ce n’est pas nouveau. La télévision n’est pas son truc. Pour lui, la télévision, c’est faire parler des gens, filmer des dialogues – ce qui est sujet à débat, car on a des séries actuellement beaucoup plus visuelles, comme Hannibal. On y sent que la forme préoccupe leurs créateurs. Pour lui, la télévision n’est pas un médium de réalisateur comme lui. Il a notamment été sollicité par HBO, mais ça ne s’est pas bien passé. Pour lui, c’est comme se retrouver à l’âge d’or des grands studios dans lequel la star n’est pas le réalisateur, mais le scénariste, le producteur ou l’acteur. De Palma a besoin du grand écran. Il aime certaines séries, mais il ne les met jamais sur le même pied que le cinéma. Pour lui, Les Soprano, ce ne sera jamais aussi bien que Goodfellas ou Le Parrain. Je suis assez d’accord avec lui. Ce sont deux mediums différents. Les séries actuelles sont en train de donner naissance à des œuvres qui ne sont ni du cinéma, ni des séries comme on les concevait dans les années 60 ou 70.
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Oui, mais ce n’est pas nouveau. La télévision n’est pas son truc. Pour lui, la télévision, c’est faire parler des gens, filmer des dialogues – ce qui est sujet à débat, car on a des séries actuellement beaucoup plus visuelles, comme Hannibal. On y sent que la forme préoccupe leurs créateurs. Pour lui, la télévision n’est pas un médium de réalisateur comme lui. Il a notamment été sollicité par HBO, mais ça ne s’est pas bien passé. Pour lui, c’est comme se retrouver à l’âge d’or des grands studios dans lequel la star n’est pas le réalisateur, mais le scénariste, le producteur ou l’acteur. De Palma a besoin du grand écran. Il aime certaines séries, mais il ne les met jamais sur le même pied que le cinéma. Pour lui, Les Soprano, ce ne sera jamais aussi bien que Goodfellas ou Le Parrain. Je suis assez d’accord avec lui. Ce sont deux mediums différents. Les séries actuelles sont en train de donner naissance à des œuvres qui ne sont ni du cinéma, ni des séries comme on les concevait dans les années 60 ou 70.
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