A lire : Devenu au fil du temps un must have pour tout cinéphile qui se respecte, le mythique livre d’entretiens réalisé par Laurent Vachaud et Samuel Blumenfeld avec Brian de Palma vient enfin d’être réédité, chez Carlotta. Version augmentée de 4 entretiens, et de 6 DVD de films majeurs du cinéaste. Si ses derniers films ont rencontré moins d’échos auprès du public et de la critique, Brian De Palma reste une référence majeure du cinéma américain. Laurent Vachaud, scénariste, critique à Positif, co-auteur du livre, nous explique pourquoi. Et revient sur la genèse de cet ouvrage d’exception.
Cineblogywood : comment est né le projet ?
Laurent Vachaud : Samuel Blumenfeld et moi avions tous les deux une double admiration pour William Friedkin et Brian de Palma. On regrettait qu’il n’y ait pas de livre d’entretiens avec ces deux cinéastes. Au milieu des années 90, si Friedkin n’était vraiment pas à la mode, De Palma était davantage coté.
C’est au moment de la sortie de L’Impasse, alors que nous rencontrions chacun de notre côté De Palma, Samuel pour Les Inrocks, moi pour Positif, qu’a vraiment germé l’idée du livre. On sentait qu’il était plus à même de parler, alors qu’il avait la réputation de ne pas apprécier les journalistes. On a donc essayé de l’approcher. C’était très compliqué parce qu’à l’époque, il n’y avait pas d’email ; on avait beau envoyer des lettres, elles restaient sans réponse. On passait par des gens qu’il connaissait : Régis Wargnier, Christine Haas, Jay Cocks (scénariste de Scorsese). On a fini par obtenir un rendez-vous avec à lui à Paris, au moment où il faisait le casting de Mission Impossible pour lequel il auditionnait des acteurs français. Je me retrouve donc au Crillon à 9 heures du matin pour l’interviewer. De Palma était en plein petit-déjeuner. Je lui avais amené des livres qui étaient des modèles pour nous : le Kubrick par Ciment, un livre d’entretiens avec Scorsese. Il ne les a même pas regardés, il était encore très froid ! On commence l’entretien, mais il répond très laconiquement. J’avais même eu un problème de piles... Bref, ça commençait mal !
Au bout d’un temps, il stoppe l’interview pour son casting. Je pensais devoir partir, mais il me demande de rester. Il part auditionner Jean Reno, et revient 10 minutes après pour continuer l’entretien, pendant 3 heures ! On fait un autre entretien avec lui en compagnie de Samuel pendant sa présence à Paris, qui se passe très bien. Puis il part à Londres pour préparer le tournage de Mission impossible, et me demande si je veux venir. Impossible de mon côté, mais je conserve le numéro de son assistant. Aucune nouvelle jusqu’en août 1995, moment où il termine le tournage de Mission impossible. On obtient un nouveau rendez-vous avec lui à Londres, pendant le montage du film. On a donc fait 4-5 séances d’entretiens entre 1993 et 1995. Fin 1995, pendant le montage, je le vois quasiment tous les jours à Londres pendant le montage. Mais il est fatigué, et ne se livre pas beaucoup.
Puis il disparaît pendant trois ans. Et là, il accepte de nous consacrer 3 heures par jour pendant 5 jours à New York, chez lui. Entretemps, Calmann Lévy était d’accord pour nous suivre. La journée, il travaillait sur un scénario avec Jay Cocks, qui ne s’est finalement jamais tourné. On l’interviewait de 17 à 21 heures. Il nous a montré des courts-métrages qu’il était seul à avoir. Ce qui est assez surréaliste, c’est qu’on allait dans sa chambre assis sur son lit pour les visionner ! Il redescendait dans son salon pour nous laisser voir ses films dans sa chambre ! On pensait qu’il avait une salle de projection. Pas du tout : il avait une télévision lambda, avec un magnétoscope ! On commence la retranscription des interviews fin 1998, au moment de la sortie de Snake Eyes. On le revoit après le tournage de Mission to Mars, au moment où il s’installe à Paris fin 1999. Le livre sort un an après. Peu après, le centre Georges Pompidou lui consacre une rétrospective au moment de Femme fatale. Ce qui est surréaliste, c’est qu’à partir de ce moment, il donne des interviews très facilement, alors que nous avions galéré pour le livre !
Puis il disparaît pendant trois ans. Et là, il accepte de nous consacrer 3 heures par jour pendant 5 jours à New York, chez lui. Entretemps, Calmann Lévy était d’accord pour nous suivre. La journée, il travaillait sur un scénario avec Jay Cocks, qui ne s’est finalement jamais tourné. On l’interviewait de 17 à 21 heures. Il nous a montré des courts-métrages qu’il était seul à avoir. Ce qui est assez surréaliste, c’est qu’on allait dans sa chambre assis sur son lit pour les visionner ! Il redescendait dans son salon pour nous laisser voir ses films dans sa chambre ! On pensait qu’il avait une salle de projection. Pas du tout : il avait une télévision lambda, avec un magnétoscope ! On commence la retranscription des interviews fin 1998, au moment de la sortie de Snake Eyes. On le revoit après le tournage de Mission to Mars, au moment où il s’installe à Paris fin 1999. Le livre sort un an après. Peu après, le centre Georges Pompidou lui consacre une rétrospective au moment de Femme fatale. Ce qui est surréaliste, c’est qu’à partir de ce moment, il donne des interviews très facilement, alors que nous avions galéré pour le livre !
Aucun ouvrage n’avait été consacré à De Palma avant le vôtre ?
Si, mais pas de livres d’entretiens. Vu le mal qu’on a eu pour le coincer, on comprend pourquoi ! Il pouvait être coopératif une fois qu’il vous connaissait bien. Le temps qu’on a mis pour mettre en place ces entretiens – 7 ans – a joué en notre faveur : il nous connaissait de mieux en mieux, il se détendait. Si on l’avait bouclé pendant une vingtaine d’heures au début en 1993, je ne suis pas sûr qu’on aurait eu toute la matière qu’on a eue finalement au bout de sept ans ! Il ne se serait pas confié autant.
Qu’est-ce qui vous intéressait chez lui en particulier ?
D’abord, il ne nous semblait pas considéré à sa juste valeur, même si en France des gens le défendaient, notamment aux Cahiers du Cinéma. Ce n’était pas tellement le cas de Positif, qui l’a soutenu jusqu’à Carrie. Puis ensuite, jusqu’à L’Impasse, il n’y a plus eu aucun entretien avec De Palma. C’était dû au fait que De Palma était considéré comme un auteur Cahiers. Il a fallu que des gens comme Philippe Rouyer ou moi-même, qui étions très admiratifs de De Palma, le remettions à la mode à Positif. Par ailleurs, il ne donnait pas beaucoup d’interviews : il y avait eu celle du numéro Made in USA des Cahiers en 1982 avec Serge Daney et Jonathan Rosenbaum. C’est Douchet qui a remis De Palma à la mode aux Cahiers. Il était mieux considéré en France qu’aux Etats-Unis, mais il n’y avait pas de livre d’entretiens. C’est une forme qui nous paraissait très excitante. On avait beaucoup de questions à lui poser concernant son rapport à Hitchcock et des éléments autobiographiques. On savait relativement peu de choses sur sa vie, sa jeunesse, ses rapports avec les cinéastes du Nouvel Hollywood.
Ce qui nous intéressait surtout, c’est le côté extrêmement visuel de ses films : il raconte ses histoires d’abord avec les images, davantage que Scorsese ou Spielberg. Il sait utiliser toutes les ressources de la caméra. C’est vraiment un point qui nous intéressait. On voulait vraiment lui poser des questions techniques et thématiques. Enfin, on voulait aussi en faire un livre sur sa génération de cinéastes. Et puis, il ne faut pas oublier qu’au moment où on commence les entretiens, De Palma nous semblait loin d’être un cinéaste sur le déclin. Il était en train de réaliser quelques-uns de ses meilleurs films. Il nous paraissait en pleine possession de ses moyens et à même de produire encore des œuvres intéressantes.
D’abord, il ne nous semblait pas considéré à sa juste valeur, même si en France des gens le défendaient, notamment aux Cahiers du Cinéma. Ce n’était pas tellement le cas de Positif, qui l’a soutenu jusqu’à Carrie. Puis ensuite, jusqu’à L’Impasse, il n’y a plus eu aucun entretien avec De Palma. C’était dû au fait que De Palma était considéré comme un auteur Cahiers. Il a fallu que des gens comme Philippe Rouyer ou moi-même, qui étions très admiratifs de De Palma, le remettions à la mode à Positif. Par ailleurs, il ne donnait pas beaucoup d’interviews : il y avait eu celle du numéro Made in USA des Cahiers en 1982 avec Serge Daney et Jonathan Rosenbaum. C’est Douchet qui a remis De Palma à la mode aux Cahiers. Il était mieux considéré en France qu’aux Etats-Unis, mais il n’y avait pas de livre d’entretiens. C’est une forme qui nous paraissait très excitante. On avait beaucoup de questions à lui poser concernant son rapport à Hitchcock et des éléments autobiographiques. On savait relativement peu de choses sur sa vie, sa jeunesse, ses rapports avec les cinéastes du Nouvel Hollywood.
Ce qui nous intéressait surtout, c’est le côté extrêmement visuel de ses films : il raconte ses histoires d’abord avec les images, davantage que Scorsese ou Spielberg. Il sait utiliser toutes les ressources de la caméra. C’est vraiment un point qui nous intéressait. On voulait vraiment lui poser des questions techniques et thématiques. Enfin, on voulait aussi en faire un livre sur sa génération de cinéastes. Et puis, il ne faut pas oublier qu’au moment où on commence les entretiens, De Palma nous semblait loin d’être un cinéaste sur le déclin. Il était en train de réaliser quelques-uns de ses meilleurs films. Il nous paraissait en pleine possession de ses moyens et à même de produire encore des œuvres intéressantes.
D’où l’abondante iconographie qui illustre le livre ?
On voulait que le livre soit illustré avec des visuels. Mais il nous fallait un éditeur qui soit d’accord sur le principe. Il nous fallait obtenir les droits sur les photos. On avait en tête le livre de Michel Ciment sur Stanley Kubrick. Mais ce cas est un peu spécial : Stanley Kubrick lui avait donné toutes les photos. De Palma n’avait pas le même pouvoir vis-à-vis des studios pour faire retirer des photogrammes. En plus, à l’époque, pour les photos, il fallait demander l’accord des acteurs ! On a attendu pendant un an et demi ce type d’autorisations. Et il avait tourné avec du lourd : Al Pacino, Robert de Niro, Kevin Costner, John Travolta, Tom Hanks, Bruce Willis, Sean Penn ! Notre éditeur ne voulait pas s’engager sans avoir obtenu ces accords. Cela a retardé la parution du livre.
Pourquoi le livre n’a-t-il pas été réédité depuis 2001 ?
Calmann-Lévy ne voulait plus éditer de livres de cinéma, à part le livre de Michel Ciment sur Kubrick. Son livre sur John Boorman n’a jamais été réédité. L’édition de beaux livres de cinéma a pas mal décliné. L’essor des DVD avec les suppléments et commentaires des cinéastes ont enlevé un part de l’intérêt des livres d’entretiens. Ensuite, il y a eu la concurrence d’internet. Et De Palma est peut-être passé un peu de mode... Tout ceci a fait qu’on n’a pas trouvé d’éditeur pour reprendre le flambeau. Calmann-Lévy nous a redonné les droits. On a proposé le projet à quelques éditeurs susceptibles d’être intéressés. Vincent Paul-Boncour de Carlotta, éditeur de DVD, s’est dit intéressé pour éditer des objets mixant l’écrit et l’image. Comme il détenait les droits de beaucoup de De Palma, il souhaitait faire un coffret livre-DVD, sans que la version livre soit bradée ou cheap : il souhaitait refaire un beau livre.
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