A lire : Avec Gérard Oury Mon père l'as des as, Danièle Thompson, assistée du journaliste Jean-Pierre Lavoignat, revient sur la vie et la carrière du cinéaste ainsi que les forts liens qui ont uni le père et sa fille sur et en dehors des plateaux.
Dans cet ouvrage écrit à la première personne du singulier, Danièle Thompson raconte son père en même temps qu'elle lui écrit une longue lettre d'amour et d'admiration. Gérard Oury a vécu entourée de femmes qu'il a aimées passionnément : sa grand-mère Mouta et sa mère Marcelle, sa fille Danièle (née de son union avec Jacqueline Roman) et Michèle Morgan. Autant Gérard et Michèle ont toujours vécu dans des appartements séparés, se donnant rendez-vous chaque jour comme de jeunes amoureux ou se retrouvant dans leur villa sur la Côte d'azur, autant le cinéaste a partagé le quotidien de Mouta et Marcelle. Le trio a habité le même appartement ou la même chambre d'hôtel à l'époque des vaches maigres puis le même immeuble jusqu'à la disparition de la maman.
Même relation fusionnelle entre Gérard et Danièle, renforcée par une collaboration de travail étroite puisque Danièle a coécrit 11 films avec son père. Elle évoque ces séances souvent joyeuses et parfois orageuses, mais jamais très longtemps. Elles ont donné lieu à quelques-uns des plus grands succès du cinéma français : La Grande vadrouille, Le Cerveau, La Folie des grandeurs, Les Aventures de Rabbi Jacob, L'As des as...
Le pacha
C'est passionnant de découvrir les méthodes de travail du cinéaste, qui notait idées et choses vues dans un dossier, dans lequel sa fille et lui allaient parfois puiser pour trouver une idée de long-métrage ou d'un gag. Sans se livrer à une analyse pointue, Danièle Thompson souligne tout de même la spécificité de Gérard Oury, esthète élevé dans un milieu artistique, qui réalisait des films en prêtant beaucoup d'attention à la mise en scène, à la photographie, au montage ou à la musique... Il s'entourait d'ailleurs de collaborateurs qui travaillaient avec la crème des cinéastes hexagonaux, tels Claude Renoir ou Henri Decaë à la photo ou le monteur Albert Jurgenson. Sur le plateau, Oury sait ce qu'il veut. Il est le seul maître à bord. Un pacha qui s'amuse du gigantisme des séquences qu'il met en place, comme pour le final du Cerveau. Un amusement qui coûte cher, comme le fait remarquer le producteur Alain Poiré. Rigoureux, Oury n'en chouchoute pas moins ses acteurs, et notamment son duo vedette Louis de Funès et Bourvil.
Au-delà des films, dont elle narre la genèse, la production et l'accueil, Danièle Thompson aborde également les débuts de son papa, levant le voile sur quelques secrets de famille (le vrai géniteur de Gérard est un pilote et industriel chilien). Elle témoigne de la fuite de la famille lors de l'invasion allemande, qui brise la carrière d'acteur de Gérard. Il aura alors bien du mal à s'en remettre, y compris après la guerre, jusqu'à ce qu'il trouve sa voie, d'abord comme scénariste puis comme metteur en scène. Il y a aussi les tragédies : les décès de Mouta puis Marcelle, dont Oury ne se remet pas, et la perte de la vue sur la fin de sa vie, qui le prive de sa passion, le cinéma.
Entrecoupé de témoignages (Jean-Paul Belmondo, Pierre Richard, Dany Boon, Valérie Lemercier), le livre est truffé d'anecdotes et riche en photos et documents inédits, dont certains ont été précieusement compilés et archivés dans des carnets reliés par la mère de Gérard. Etonnant de voir Oury serrer la main de Bowie ou poser à côté de Fassbinder... édifiant de voir ses scripts annotés... Il y aussi cette belle lettre adressée par Truffaut ou cet Oscar à la tête penchée offert par Niven...
Nous sommes tous fans de Gérard Oury. En témoignent la diffusion récente de La Grande vadrouille, qui a rassemblé plus de spectateurs que Captain America Civil War, ou la référence à ce film dans Roma d'Alfonso Cuaron. Publié aux Editions de La Martinière en association avec Gaumont, cet ouvrage nous ravit et nous touche. Merci Danièle et Jean-Pierre !
Anderton
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