En DVD et Blu-ray : Alors que la France suffoque sous une chaleur digne d'un après-midi d'août en Sicile, StudioCanal sort en vidéo La mafia fait la loi dans l'excellente collection Make my day! créée par Jean-Baptiste Thoret. Loin de la vision "baroque" du Parrain 3, le film de Damiano Damiani décrit la mainmise de Cosa Nostra sur l'île italienne. Avec en prime un beau duo : Claudia Cardinale et Franco Nero.
Sorti en 1968, La mafia fait la loi est tiré du Jour de la chouette (Il Giorno della civetta, en V.O.) de Leonardo Sciascia, écrivain et journaliste sicilien qui a plus d'une fois relaté dans ses écrits les agissements des organisations criminelles qui sévissent sur l'île. Tout commence sur une petite route isolée de Sicile : le conducteur d'un camion transportant du ciment est abattu par un homme embusqué. Un paysan assiste à la scène et prend la fuite. Les carabiniers mènent l'enquête : ils soupçonnent un crime commandité par la mafia mais le témoin est introuvable et son épouse refuse de parler.
Contrairement à leurs homologues américains, les cinéastes italiens n'idéalisent pas les mafieux. Ce ne sont pas des héros tragiques mais des criminels implacables qui pourrissent la vie des gens. D'où le regard cru que porte Giuseppe Tornatore (Le Maître de la camorra) ou Matteo Garrone (Gomorra). Damiano Damiani s'inscrit dans cette même veine. Pas de flamboyance - ce qui ne veut pas dire que la mise en scène est inexistante. Je la qualifierais d'efficace. J'ai bien conscience qu'il s'agit d'un terme fourre-tout mais en l'occurrence, il rend bien compte du travail du cinéaste. Les plans sont soignés et la mise en scène élaborée même si cela ne saute pas immédiatement aux yeux. Dans un bonus intéressant, le critique Vito Zagarrio souligne d'ailleurs l'importance de certains plans, construits dans la perspective d'un encadrement (porte, fenêtre), que l'on retrouve dans l'oeuvre du cinéaste.
Plus que la violence physique (même si elle est présente), La Mafia fait la loi montre comment les criminels exercent leur emprise sur la société sicilienne, entre menaces et générosité. Au point que la population reconnaît le boss local comme le vrai détenteur de l'autorité. Face à un tel système, les carabiniers s'avèrent impuissant à faire appliquer la loi. L'omerta règne.
Claudia Nostra
Le capitaine Bellodi est bien décidé à changer les choses, quitte à recourir à la manipulation. Franco Nero lui prête ses traits - la ressemblance avec Terrence Hill est d'ailleurs frappante (même beau visage transpercé par des yeux d'un bleu intense). Du calme à la colère, en passant par la frustration, l'acteur illustre toute les difficultés d'un combat perdu d'avance. Il nous rappelle le commissaire Corrado Cattani interprété par Michele Placido dans la série La Mafia.
Face à Bellodi, Claudia Cardinale interprète l'épouse du témoin en fuite. Que dire, si ce n'est qu'elle est éblouissante de beauté. Chacune de ses apparitions suscite la sidération. Mais la résumer à ses attraits physiques serait injuste. La comédienne incarne l'essence de la femme sicilienne, fière, farouche et combative. Son regard noir et son visage fermé en disent plus long que bien des paroles. Voici Rosa doublement victime et attaquée dans son honneur. Mais elle résiste et ne plie pas. Nero et Cardinale ont été récompensés de David di Donatello en 1968 pour leurs interprétations.
Serge Reggiani joue pour sa part un informateur, dont il nous fait saisir toute la détresse avec son regard triste. Le boss, don Mariano, est interprété par Lee J. Cobb (Douze hommes en colère, Sur les quais). Pas de gravitas mais une belle assurance teintée de ruse, que traduit bien par ailleurs le rictus permanent qui habille son visage. Nehemiah Persoff, un second rôle souvent vu à la TV (Les Incorruptibles, Mission Impossible) et au cinéma (Certains l'aiment chaud), interprète un capo souriant mais pitoyable, qui révélera toute sa veulerie ; tandis que Tano Cimarosa incarne un petit mafieux typiquement sicilien, gouailleur, roublard et cabotin.
Récompensé par l'Ours d'or au Festival de Berlin en 1968, La mafia fait la loi nous montre toute la complexité de la vie en Sicile dans les griffes de la mafia. Rythmé, prenant, porté par d'excellents acteurs, le film est un bon polar, traversé par des éclats d'humour. Une fois de plus, Thoret (qui introduit en vidéo le film avec passion) a eu le nez creux pour nous faire (re)découvrir un joyau oublié du cinéma.
Anderton
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