En DVD et Blu-ray : Pas une semaine sans qu'une affaire de corruption ne soit révélée ou jugée. L'actualité récente en France en apporte une fois de plus la triste preuve. Avec El Reino, Rodrigo Sorogoyen s'est attaqué à ce fléau qui mine nos démocraties, en réussissant à ne tomber ni dans l'idéologie, ni le populisme. Et surtout en signant un film fort et haletant.
Le film s'ouvre sur une plage ensoleillée. Un homme finit une conversation puis revient d'un pas alerte dans un restaurant, où il poursuit un repas joyeux avec des amis. On ne comprend pas bien leur conversation, ponctuée de vannes et de private jokes. Leurs costumes, leurs voitures avec chauffeurs puis leurs bureaux semblent indiquer qu'il s'agit d'homme d'affaires pressés et prospères. On découvre qu'il s'agit en fait de membres de la branche régionale d'un parti politique. C'est alors que l'un d'entre eux est arrêté pour corruption. Son collègue, Manuel Lopez-Vidal, s'active pour limiter les dégâts, faire disparaître les preuves mais il est accusé à son tour et devient un paria au sein de son parti.
Co-scénariste, Rodrigo Sorogoyen (Que Dios nos perdone) met en place une intrigue implacable qui entraîne le personnage principal dans une course contre la montre trépidante. Récit et mise en scène se referment sur le politicien corrompu. Le cadre coince le personnage entre des murs, l'écrase entre sols et plafonds. La caméra le suit, de dos, avancer dans des couloirs labyrinthiques au rythme d'une musique techno (composée par Olivier Arson) - quelle idée originale ! Lopez-Vidal se débat dans une "rat race", comme disent les Anglo-saxons. Le cinéaste espagnol privilégie les plans caméra à l'épaule, au plus près des visages des personnages (superbe casting), qui nous font partager leurs sentiments et leurs émotions. On ressent ainsi de l'empathie pour le "pauvre Manuel" : il a réussi, vit dans un magnifique appartement avec une famille heureuse, se fait trahir, abandonner... On en oublie toutes les saloperies qu'il a forcément commises pour en arriver là. C'est la grande force du film. D'ailleurs Sorogoyen a délibérément choisi de ne pas nommer le parti, ni la ville dans laquelle se déroule l'affaire. Une volonté de délivrer un message universel et apolitique, même si le contexte est clairement espagnol.
Antonio de la Torre campe un politicien à la fois humain et déterminé à se battre jusqu'au bout, contre tous. Tel un taureau qui fonce droit devant lui, évitant les obstacles ou les abordant de front. Mais on connaît tous l'épilogue dans l'arène... La fin du film est suffocante.
Le Pacte, qui édite le DVD et le Blu-ray, propose en suppléments un making-of et un entretien passionnant avec Rodrigo Sorogoyen et Antonio de la Torre. El Reino rejoint les grands thrillers engagés qui délivrent un message fort sans jamais sacrifier leur démarche artistique.
Anderton
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