A lire : Le XXIe siècle est encore jeune et Marlon Brando se meurt, retranché dans sa villa sur les hauteurs de Los Angeles. Grand reporter à M le magazine du Monde, Samuel Blumenfeld nous raconte dans un livre publié chez Stock Les derniers jours de Marlon Brando. Un récit fascinant et troublant.
Le journaliste s'est lié d'amitié avec Rebecca Brando, l'un des enfants de la star. C'est elle qui propose à son ami frenchy de rencontrer son père, avec lequel elle a toujours entretenu des relations compliquées. "Je crois que mon père a peur de mourir", explique-t-elle. A l'orée des années 2000, les jours de Marlon Brando sont en effet comptés et elle pense que l'arrivée du reporter aidera son géniteur à traverser cette épreuve plus sereinement. Le monstre sacré vit seul dans une maison ultra-sécurisée qui ressemble à un bunker. Allongé sur son lit, dans une robe de chambre mal fermée, l'interprète de Don Corleone soliloque, un petit téléviseur posé sur son imposant ventre, commentant ses vieux films avec un détachement teinté d'acrimonie. A portée de main, un téléphone qui lui permet de régner sur son personnel et ses rares relations extérieures. A ses pieds, un rottweiller soumis. L'ogre alité, qui pèse près de 150 kilos, avale des pilules et se gave de junk food. Peu à peu, il daigne remarquer la présence de son nouveau visiteur. Tout dans cette villa exsude la folie et la mort.
Le journaliste explique qu'il est doué pour faire parler les acteurs. En sa présence, ils se livrent avec confiance. Brando, malgré sa paranoïa, se laisse également aller à des confidences. Sur sa carrière chaotique, ses projets insensés, ses coups tordus, ses rares amis, ses enfants qu'il a négligés, mal aimés... Si Blumenfeld sait écouter, il sait également retranscrire les atmosphères, détailler l'intérieur d'une chambre tout autant que décrire le corps gargantuesque de la star. Et, plus de quinze ans après les faits, il a su mémoriser les longues tirades que Brando a enchaînées auprès de lui. Comment s'y est-il pris ? A-t-il une mémoire phénoménale ou cachait-il un enregistreur dans sa veste ?
Once upon a time in Hollywood
Et c'est alors qu'en revenant sur l'incipit, comme pour y trouver une réponse qui m'aurait échappée, je me suis rendu compte que Les derniers jours de Marlon Brando était un roman. J'avais été tellement impatient de le lire, j'avais été tellement happé par le récit à la première personne que je n'avais pas prêté attention à la page de garde. J'imaginais alors que ce "je" était Blumenfeld. Après tout, un journaliste français habitué à interviewer les stars, ça se tenait... Pour autant, je ne me suis pas senti berné et, en fin d'ouvrage, l'auteur (le vrai) explique qu'il s'est appuyé sur plusieurs sources pour rédiger sa "fiction".
Samuel Blumenfeld est un formidable conteur, qui connaît ses classiques hollywoodiens. Sans qu'il ait besoin d'appuyer ses propos, le lecteur cinéphile songe à Citizen Kane, Boulevard du crépuscule... et Apocalypse Now. Le narrateur pénètre dans l'antre de la folie tout comme le capitaine Willard et c'est face à un autre colonel Kurtz qu'il se retrouve. Un monstre retiré du monde qui attend la mort. "L'horreur. L'horreur." Le roman est tellement prenant, tellement réaliste, qu'on se demande ce qui est inventé et ce qui ne l'est pas. Je n'ai pas cherché à creuser. L'histoire est belle telle qu'elle. Blumenfeld, comme Tarantino, raconte Hollywood. Le réinvente, y projette ses fantasmes, sa passion du cinéma. Et emporte le lecteur, aux anges.
Anderton
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