En DVD et Blu-ray : Quentin Dupieux continue de nous fasciner avec son univers étrange et drôle. Et le plus fort, c'est que le cinéaste se réinvente à chaque film. En témoigne Le Daim, disponible en vidéo, avec Jean Dujardin et Adèle Haenel.
Georges est parti. Bien parti même. Il a quitté sa compagne (enfin, c'est plutôt elle qui lui a demandé de la quitter), pris sa bagnole et emprunté l'autoroute du lâcher prise avant de bifurquer sur les routes sinueuses de la folie. Destination : la montagne, où il claque toutes ses économies dans l'achat d'une veste en daim. Et à franges. "Style de malade", lâche-t-il à plusieurs reprises en s'admirant devant une glace. De malade mental, ajoute le spectateur qui (se parle aussi à lui-même et) assiste à un joli cas de possession par le vêtement. Ou plus exactement par la matière, car Georges va compléter sa panoplie par un chapeau, des bottes, un pantalon, tous en peau de Bambi. L'habit faisant le moine, Georges laisse jaillir la sauvagerie du trappeur qui l'habite. Avec une idée fixe : se débarrasser de tous les blousons sur Terre, tant pis pour leurs propriétaires. Une quête sanglante qu'il décide de filmer. Et comme il n'y connaît pas grand-chose, il s'associe à Denise, une serveuse de bar versée dans le montage vidéo.
Après la photo léchée d'Au Poste!, qui rendait hommage aux riches heures du polar à la française des années 1970, Dupieux opte cette fois-ci pour une approche plus naturaliste. Le Daim a été tourné dans les Pyrénées en plein mois de mars. C'est la fin de l'hiver et pas encore le début du printemps. Temps gris et humide que reflète la photo du film. Si la montagne vous gagne ; ici, c'est plutôt la déprime. C'est le Far West tendance Deadwood. Petite ville triste, campagne moribonde. Bar tout en bois et hôtel-relais figé dans une déco décatie. Du Chabrol, sans les bourgeois de province. Dupieux excelle à créer ces atmosphères étranges, presque surnaturelles, dans un environnement ultra-banal. Nous voici emportés au bout de la civilisation et on est en France. Génial travail sur l'image mais aussi sur les sons : les intérieurs de bagnole, les portes qui s'ouvrent, les bruits d'un troquet, la mini-cassette qui se met en route... Et cette bande-son ! Le périple de Georges débute en compagnie de Joe Dassin et s'achève avec Della Humphrey. Avec au milieu du Brahms et plein d'autres morceaux bonnards.
Aux franges de la folie
Le cinéaste est également un formidable directeur d'acteur. Et, une fois de plus, il s'est entouré de comédiens qui, plongés dans son univers, révèlent de nouvelles facettes de leur talent. Jean Dujardin campe avec beaucoup de minimalisme un homme qui a tout lâché. Il est fascinant à regarder, avec son regard perdu, ses paroles vides et son obsession de plus en plus inquiétante. Certaines séquences m'ont fait penser à Joker. Comme Todd Philips, Dupieux a su filmer un homme qui bascule dans la folie, incarné par un interprète au sommet de son art. Mais si Le Daim dérange parfois, il fait aussi marrer. Pour l'absurdité d'un plan, d'un geste, d'une situation.
Adèle Haenel est tout aussi réjouissante, avec son jeu naturel, un peu brut, complètement raccord avec son personnage dont elle va révéler progressivement les failles. Denise va s'avérer bien barrée. Quel pied de voir Dujardin et Haenel interagir, entre malaise et incompréhensions. Il y a aussi toute une galerie de personnages secondaires, tous un peu dingues, dont la présence, même fugace, marque durablement. Formidables Marie Bunel et Albert Delpy !
Pas étonnant que Le Daim ait aussi bien été accueilli à La Quinzaine des réalisateurs, à Cannes. Le spectateur est dépaysé. Par cette contrée étrange comme par ce film original. Diaphana propose dans son édition vidéo un super commentaire audio signé Quentin Dupieux et Jean Dujardin. Leur complicité se ressent dans leurs propos. On se marre à écouter leurs anecdotes et leurs vannes, tout en découvrant la méthode de travail de Dupieux et la manière dont Dujardin a construit son personnage. Le film dure 1h15 mais je vous assure que ça vaut le coup d'enchaîner le commentaire direct. Plaisir des yeux, joie des oreilles.
Anderton
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