A lire : Dans Stephen King à l'écran, Ian Nathan présente toutes les adaptations du romancier au cinéma et à la télévision. Au sommaire, quelques chefs-d'oeuvre, des réussites mais aussi de gros ratés. Pourquoi ça marche parfois et pas d'autres ? Ian Nathan nous répond.
Cineblogywood : Stephen King a eu du mal à se faire publier quand il a débuté mais ses livres ont rapidement intéressé le cinéma et la télévision. Comment expliquez-vous cela ?
Ian Nathan : Il y a plusieurs raisons. L'une d'elles est tout simplement la chance. Un ami de Brian De Palma lui avait transmis Carrie, lui suggérant que cela ferait une bonne adaptation. Réaliser un film d'horreur intéressait De Palma, qui était à la recherche d'un succès. Et l'idée d'un teen movie le séduisait aussi. Le fait qu'il a réalisé un film aussi génial à partir d'un livre a vraiment aidé à faire décoller les ventes de King. King dit toujours : "J'ai fait Carrie et Carrie m'a fait". Qu'une oeuvre devienne à la fois un succès en salle et un best-seller a immédiatement fait grand effet à Hollywood. Ce fut comme une réaction en chaîne. Et puis, l'horreur avait le vent en poupe. Est arrivée une nouvelle génération de réalisateurs de films d'horreur — John Carpenter, George Romero, David Cronenberg, Tobe Hooper, etc. — au moment où King débarquait dans les librairies. Ces cinéastes se sont tournés vers lui et ont réalisé certaines des versions les plus marquantes de ses histoires.
Il y a aussi le fait que, fondamentalement, dès le tout début, Stephen King a écrit des histoires archétypales avec une touche moderne très attrayante. Salem parlait de vampires dans une petite ville du Maine actuel. Shining, c'était une histoire de maison hantée qui intégrait des problématiques d'addiction, d'échec artistique et d'effondrement familial. Dead Zone posait de manière géniale un dilemme hypothétique sur fond de politique américaine. Cet éclair de modernité dans la littérature de genre a rendu King immédiatement accessible.
Il y a aussi le fait que, fondamentalement, dès le tout début, Stephen King a écrit des histoires archétypales avec une touche moderne très attrayante. Salem parlait de vampires dans une petite ville du Maine actuel. Shining, c'était une histoire de maison hantée qui intégrait des problématiques d'addiction, d'échec artistique et d'effondrement familial. Dead Zone posait de manière géniale un dilemme hypothétique sur fond de politique américaine. Cet éclair de modernité dans la littérature de genre a rendu King immédiatement accessible.
Votre ouvrage montre que le respect du matériau original n'est pas la garantie d'une bonne adaptation à l'écran. Alors qu'est-ce qui fait qu'un livre de Stephen King devient un bon film ou une bonne série ?
Et bien c'était une des questions fondamentales auxquelles je voulais essayer de répondre dans ce livre. Pourquoi y a-t-il des adaptations qui marchent et d'autres, pas ? Pour certaines, cela tient au talent. De Brian De Palma, Stanley Kubrick et David Cronenberg, à Rob Reiner et Frank Darabont, en passant par Mike Flanagan, les bons réalisateurs ont tendance à faire de bons films ou de bons téléfilms. King offre aux cinéastes stylés un canevas prêt à l'emploi sur lequel ils peuvent imprimer leur personnalité, sans perdre les fondements du récit. Le meilleur exemple, c'est Shining.
Une partie du problème avec les moins bonnes adaptations, c'est le manque de respect pour le matériau d'origine et le manque de budget. Au début de sa carrière, par manque d'influence, Stephen King a perdu le contrôle des droits sur certaines de ses nouvelles, qui sont depuis passées de mains en mains et ont été exploitées en mettant en avant son nom. Je veux parler de la ribambelle de films ringards autour des Enfants du maïs et de The Mangler (La Presseuse en V.F. - deux nouvelles publiées dans le recueil Danse macabre, NDLR). Et puis, quand King a repris le contrôle sur ses adaptations, ça n'a pas toujours été pour le meilleur : il a trop souvent soutenu Mick Garris, un réalisateur moins talentueux [réalisateur entre autres des séries Le Fléau et Shining et du film Riding the bullet, NDLR]. Quand tous les bons réalisateurs se sont mis à faire des slashers dans les années 1990, les oeuvres de King ont été adaptées à la télévision avec fidélité mais sans saveur. Ce qui est un autre problème : les livres de King sont parfois si longs qu'il peut être très difficile de bien en retranscrire l'histoire.
Une autre raison pour expliquer qu'il y a eu un renouveau des adaptations, c'est qu'une génération de cinéastes et de producteurs qui ont grandi en lisant King sont maintenant à des postes qui leur permettent de faire des films et ce, en traitant son oeuvre avec respect. Enfin, il y a ces créatures rares, comme Reiner et Darabont, qui sont tout bonnement capables de retranscrire la richesse et le folklore de King.
Stephen King a eu des attitudes diverses face aux adaptations de ses oeuvres. Est-ce que son implication artistique, ou son manque d'implication, dans une production a eu un impact sur le résultat final ?
C'est vrai dans certains cas. Sa présence comme producteur exécutif - qui est désormais une obligation pour chaque adaptation - peut être parfois considérée comme une entrave. J'en veux pour preuve les adaptations TV de Shining et du Fléau, qui n'ont pas osé sortir du cadre. Mais parfois sa présence peut s'avérer utile. Il a écrit pour la télévision La Tempête du siècle, une excellente mini-série qui contient tout ce que l'art du récit de King peut offrir.
Il y a des cas, comme le Shining de Kubrick, le Carrie de De Palma et même le Stand by me de Reiner, où la prise de distance avec King a vraiment permis aux films de trouver leur voie. Le caractère hautement adaptable de son oeuvre signifie qu'il est possible de changer des éléments de l'histoire pour le mieux. King bénéficie également d'une dévotion aveugle - la croyance que quoiqu'il écrive, ça marchera toujours à l'écran. Certains de ses livres sont moins bons que d'autres et peut-être qu'ils ne méritaient pas d'être adaptés au cinéma ou à la télévision. Par exemple, oserai-je dire que Docteur Sleep a pu souffrir du fait que ce n'était pas un roman si génial ?
Selon vous, quelles sont les adaptations qui rendent le mieux hommage à l'univers de Stephen King?
Bonne question. C'est une autre question-clé du livre : quelles sont les meilleures adaptations de son oeuvre plutôt que les meilleurs films ou séries tirés de son oeuvre ? J'ai l'impression, et c'est aussi celle de King, que les deux cinéastes qui ont le mieux traduit sa voix - le sentiment de nostalgie, la petite ville américaine, l'idée que la condition humaine, et non le surnaturel, est au coeur de ses histoires - sont Rob Reiner et Frank Darabont. La meilleure adaptation de King, dans le sens le plus vrai, est pour moi Stand by me. C'est une histoire d'horreur dans laquelle le monstre est le temps.
Pendant l'écriture du livre, avez-vous découvert des adaptations dont vous n'aviez jamais entendu parler auparavant ?
Oui, en effet. L'une d'entre elles est La Tempête du siècle et je l'ai beaucoup aimée. C'est une version du joueur de flûte de Hamelin relocalisée sur une petit île au large du Maine, pendant une tempête de neige, alors qu'un étranger est arrivé sur place, un étranger vraiment méchant. Je vous la recommande vraiment. J'ai aussi découvert Les Ailes de la nuit, Castle Rock et Mr Mercedes. J'avais vu Dolores Clairborne il y a longtemps mais j'avais oublié à quel point c'était bien.
Quelle oeuvre de Stephen King qui n'a pas encore été adaptée aimeriez-vous voir à l'écran ?
Il y en a peu et elles pourraient faire l'objet d'options au moment même où on se parle, mais je dirais La Méthode respiratoire, tirée de Différentes saisons, un ouvrage qui a été une bonne source d'adaptations. Il y a aussi Le Talisman pour son souffle épique et Duma Key, une histoire très personnelle sur l'art. Il y en a plein d'autres.
Et y a -t-il des adaptations que vous préférez aux livres originaux ?
Oui, je pense que Carrie est un meilleur film car il associe les pouvoirs de Carrie avec son éveil à la sexualité, ce qui en fait une puissante métaphore. Et le fait que l'action se déroule en Californie place le récit au coeur de la mythologie adolescente. Les Evadés se révèle plus épique et plus émouvant entre les mains de Darabont. Et Stand by me - la nouvelle Le Corps dans Différentes saisons - possède une musique et une sensibilité qui éclatent à l'écran.
Stephen King à l'écran
Publié aux éditions Bragelonne, voici un ouvrage indispensable pour les fans de Stephen King et de films d'horreur. De Carrie au bal du diable (1976) à Docteur Sleep (2020), l'auteur décrit toutes les adaptations sur grand et petit écrans des oeuvres de l'écrivain américain. Et il y en a un paquet. Des très réussies comme des vraiment ratées. Ian Nathan les dissèque chacune, avec expertise. En préambule, un résumé de l'histoire et une petite fiche d'identité. Puis le journaliste britannique raconte dans un style alerte l'histoire de la production, évoque l'accueil public et critique, aborde le matériau d'origine. Surtout, Nathan ne se prive pas de donner son avis, appuyant ses propos sur des analyses argumentées. Cela fourmille d'informations mais aussi de photos et d'affiches bien mises en valeur par la maquette. On dévore l'ouvrage avec l'appétit d'un loup-garou un soir de pleine lune.
Anderton
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